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|Lettres d'Eugène Boissière|Témoignage de Jean Variot|Témoignage d'Eugène Salard|




Eugène Boissière est né le 24 juillet 1894 à Paris (17 arr.). Employé des Chemins de Fer, il est incorporé le 19 décembre 1914 au 167e Régiment d'infanterie, au sein duquel il combat jusqu'au 6 août 1916, date à laquelle il est versé au 65e Régiment d'infanterie. Christophe Boissière a retranscrit une partie des lettres de tranchées de son Grand-père, couvrant la période novembre 1915 à mai 1916. Sur la guerre et ses souffrances, Eugène est résolument pudique. Ses pensées vont à Yette, qu'il épousera, et de qui il aura deux enfants.
Gravement blessé à Douaumont, le 24 novembre 1916, Eugène est définitivement réformé en Août 1917. Cité à l'ordre du 65e RI, décoré de la Croix de guerre (2 étoile de bronze et palme) et de la Médaille militaire.
Durant "l'autre guerre", Eugène jouera un rôle actif dans la Résistance.
Eugène Boissière repose aujourd'hui à Serquigny, dans l'eure.





Lettres des tranchées d'Eugène BOISSIERE





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Lettres des tranchées

1914/1918

EUGENE BOISSIERE






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Aussi mademoiselle je ne puis qu’attendre une réponse de vous avant d’espérer, mais j’ose croire que ce n’est pas en vain que je vous aurai écris ces quelques phrases si j’ai su assez bien traduire ma pensée afin de vous la faire comprendre.
Recevez mademoiselle mes respectueuses salutations et l’assurance anticipée d’au moins une bonne amitié et même plus si possible.

***

le 2 décembre 1915

Mademoiselle Yette
Vous excuserez d’abord que je mette ce diminutif mais je ne vous cache pas qu’il me plait beaucoup et puis n’êtes vous pas d’avis que puisque nous allons être maintenant amis il serait préférable de ne pas s’appeler par monsieur et mademoiselle c’est vraiment trop froid et ça n’exprime guère l’amitié.
J’ai reçu votre lettre aujourd’hui et devant votre gentille réponse je m’empresse d’y répondre.
Il est donc bien entendu que nous allons maintenant être bons amis, ça me fait maintenant plaisir, et en plus du plaisir que j’aurai à recevoir vos lettres j’aurai encore celui de pouvoir vous écrire et vous raconter un tas de petites choses sur ma vie de sauvage.
Et puis vous êtes gaie me dites- vous, tant mieux je le suis aussi, peut être un peu moins actuellement mais je m’efforcerai de ne pas le faire voir.
Le principal c’est que la guerre dure encore beaucoup afin que nous puissions correspondre encore longtemps n’est ce pas votre avis ? Et puis dans quelques semaines j’espère aller voir Paris ce qui me permettra de faire plus amplement connaissance.
Sur ce je vous quitte en vous envoyant mes bonnes amitiés.
Geynos
PS : Je ne signe pas de mon nom car vous devez connaître nom surnom c’est une habitude ! Et cela vient de ma soeur.

"Il parle de son surnom"



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Seulement je crois qu’après la guerre j’aurai cependant tant de temps de perdre que je dormirai jour et nuit même marié, tant pis pour ma femme se sera la faute à la guerre.
Et encore pourrai-je me réhabituer à la vie civilisée. Je crains d’être dans l’obligation d’aller vivre chez les Peaux Rouges ça me changera moins brusquement d’ailleurs.
Enfin cette vie à certains charmes et je vous assure que si ce n’est l’hiver elle serait assez supportable. Néanmoins ce sera avec plaisir que je reprendrai un jour la vie Parisienne qui certainement est supérieure.
Demain je vais probablement faire une ballade en autobus (qui m’aurait dit que je les aurai retrouvé ici) pour aller vers l’inconnue ? Je termine car la place va me manquer.

Amical bonjour de votre ami

"Il parle de la chasse aux totos et des conditions de vie notamment la faim des Poilus et des indiens d’Amérique…"

***

le 7 décembre 1915

Chère mademoiselle Yette
Deux mots car je suis assez pressé, et surtout fatigué en effet j’ai été aujourd’hui posé des fils de fer et c’est un sale travail.
J’espère que vous êtes satisfaite de la réception que vous avez du avoir chez moi Dimanche.
Parlez- m’en donc dans une lettre cela me fera plaisir.

Meilleures amitiés

"Il parle des barbelés"






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***

le 9 décembre 1915

Ma petite amie

N’est-ce pas que c’est bien ce titre ? J’ai reçu de vous une lettre du 7. je vois avec plaisir que vous m’écrivez tous les jours, jusqu’à présent j’en ai fait de même, et espère continuer tant qu’il me sera possible. Alors vous croyez que vous serez capable de me faire reprendre le chemin de la vie civilisée après la guerre. Je le crois aussi et je voudrais bien y être.
Pour les autobus je reconnais que nous avons de la chance d’en avoir encore mais que voulez-vous, il faut bien que nous ayons quelques avantages aussi nous autres pauvres Poilus ! (Ca fait bien ces mots là, on croirait que nous sommes bien malheureux).
Rassurez-vous au sujet de votre « bavardage » il m’amuse beaucoup et n’est jamais trop long.
Sur ce, chère mademoiselle Yette (j’allais oublier mademoiselle !) je vais vous quitter en vous envoyant également un affectueux bonjour et en vous serrant la main, ou si vous préférez (comme dans le grand monde) en vous la baisant (c’est plus chic n’est-ce pas) Votre grand ami.

***

le 10 décembre 1915

Chère petite amie

Je reçois à l’instant votre charmante et amusante carte.
Comment je la trouve, ma foi pas trop risquée, les auteurs sont tout au plus un peu avancés pour leur âge ! Quand au geste il ne manque pas de grâce, n’est-ce pas votre idée ?
En tous cas il ne nous est pas permis, je suppose de le critiquer, car soit ou l’autre ou même probablement tous les deux, il pourrait fort bien se faire que nous le faisions à notre tour.








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Alors mon « baise mains » vous a fait croire que vous étiez devenue marquise se serait vraiment regrettable car cela m’empêcherait certainement certaines prétentions aussi je n’éviterais plus le grand monde ce n’est pas de votre rang.
Et tout en admettant que le geste de la carte soit moins cérémonieux, j’estime (c’est du moins mon avis) qu’il serait préférable pour nous ! Ce soir j’ai reçu votre lettre du 14 avec le petit « Amour » en titre, il est vrai que dessous est écrit le mot amitié mais se doit être pour cacher sa véritable identité qu’il a fait insérer le mot. Au fait est-ce que vous m’en pensiez pas autant en parlant de notre amitié réciproque et ne serait-ce pas plutôt …… enfin passons passons, nous pourrions, il faut l’espérer mieux nous expliquer pendant la permission future.
Quand à votre photo je l’attends avec impatience car si vous me connaissiez pour ce moyen il n’en est pas de même pour moi. Je suis heureux de savoir que vous aimiez bien ma petite soeur. Il en est de même de mon coté et jamais nous n’avons eu de discorde entre nous donc c’est encore un sujet sur lequel nous nous entendons parfaitement.
Sur ce ma petite amie je vais vous quitter en vous disant à demain et en vous envoyant un amical bonjour et pourquoi pas …. Un bon baiser ce qui ne vous fâchera pas je l’espère.

Votre grand ami.

"Il parle beaucoup de sa soeur"

***

le 19 décembre 1915

Ma petite amie

Reçu ce matin deux lettres de vous des 15 et 16. hier je ne vous ai pas encore écrit mais cela a été impossible car nous avons marché toute la journée.
Maintenant voyons nos lettres.
Inutile de vous dire que celle du 15 était pour moi la plus intéressante puisqu’elle contenait votre photo.



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Aujourd’hui nous avons touché des grandes bottes en caoutchouc, aussi avec nos peaux de moutons, nos casques, nos lunettes et nos masques je vous assure que nous ne manquons pas d’élégance. Heureusement qu’il y a encore des petites amies qui nous préfèrent aux beaux embusqués qui eux sont toujours bien mis.
Si vous voulez excuser mon peu de savoir en dessin je vais vous faire mon portrait en grande tenue comme cela vous pourrez juger.
Puis, je vais terminer en vous envoyant un amical bonsoir et en vous embrassant affectueusement.

"Il parle de sa mère et du matériel perçu ce qui présage un départ sur le front"

***

le 21 décembre 1915

Chère petite amie

Alors vous avez été deux jours sans nouvelles c’est affreux et je maudis le service des postes.
Enfin rassurez-vous la santé est toujours bonne et je n’attends plus que la permission avec impatience.
Je vous souhaite, par lettre puisqu’il ne pourra être autrement un joyeux Noël, et surtout je souhaite pour nous deux que nous puissions passer le prochain plus près l’un de l’autre.
Aujourd’hui je n’ai pas beaucoup de choses à vous raconter aussi je vais vous dire à demain.

Meilleur bonjour et pour votre petit Noël deux gros baisers de votre grand ami.

***

le 22 décembre 1915

Ma gentille petite amie

Reçu ce soir votre lettre du 2. Merci pour le lierre de Colombus. Alors quoi, vous vous faites encore de la bile au sujet de votre photo.



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***


le 24 décembre 1915

Ma chère petite Yette

Deux mots afin de ne pas passer la veille de Noël sans vous envoyer de mes nouvelles qui sont bonnes d’ailleurs.
On voit que les fêtes de Noël on du changer le service de la poste car voici deux jours que je suis sans nouvelles de personne. Enfin j’attends demain avec impatience.
Rien à signaler sur le reste du front.
Deux bons gros baisers pour notre petit Noël.

***

le 25 décembre 1915

Ma chère petite Yette
Deux mots car je suis en plein préparatifs afin d’aller voir les Boches de près.
Reçu ce soir votre lettre du 22. pas grand-chose à vous raconter. Ah si ! Si vous voulez voir « ma binette » achetez le journal « Sporting » n° 62 du 22 décembre mais je vous préviens que c’est plutôt vaseux comme phot. Excusez du peu mais je n’ai pas le temps.

Bons baisers les meilleurs mêmes de votre grand.

"Il devait partir pour le front la lettre est coupée rapidement. Il faut trouver le journal en question."

***

le 28 décembre 1915
Ma chère petite Yette
Je suis désolé de ne pouvoir vous écrire longuement mais je suis en première ligne et dame ce n’est pas précisément le même chose que d’être dans un ------.

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le 1er janvier 1916

Ma chère petite Yette

Deux mots des tranchées. Drôle de Jour de l’An, vivement le prochain avec l’espoir que nous le passerons ensemble. Il sera certainement moins bruyant mais plus gai.
Enfin le moral est cependant bien et la santé excellente.
Rassurez-vous lorsque vous recevrez cette lettre je serai certainement au repos, et là je pourrais écrire plus longuement.
Enfin à demain et un bon baiser

"Apparemment beaucoup de bombardements la nuit du Jour de l’An."

***

le 3 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Je profite d’un petit instant de répit pour vous envoyer quelques mots.
J’ai bien reçu les lettres des 27 et 29 ainsi que l’insigne du Poilu et le calendrier, merci beaucoup. Je pointe chaque jour écoulé en pensant qu’il nous rapproche un peu de celui qui nous réunira. Alors vous n’avez pas passé un Noël bien gai. Enfin on se rattrapera vous verrez.
Alors vous m’avez bien reconnu sur le Sporting, j’en ai une réputation hein ! Pour être dans les journaux.
Aujourd’hui, je n’ai pas les idées bien nettes, je suis sale à ne pas toucher avec des pincettes, on ne distingue pas ma figure des mes vêtements c’est de la boue partout.
Enfin, vivement la fin de la guerre que l’on puisse se débarbouiller tous les jours.
Sur ce, je vais vous quitter car le nuit arrive vite.

Recevez ma chère petite Yvette les meilleurs baisers de votre Geynos qui commence à vous aimer beaucoup.




Alors vous allez être présentée à notre grand ami Desnos, c’est en effet le meilleur que je possède depuis fort longtemps. J’en suis heureux, mais comme vous le dites à quand notre présentation ?
Ecoutez ma petite Yette je crois qu’il ne faut pas compter pour la fin de janvier plutôt février se sera plus sur car ça va si lentement !
Sur ce j’arrête car les Boches seraient capables de m’arriver sur le dos sans que je les voie tellement je suis occupé.
Je vous envoie un bon baiser.
Cette lettre doit être écrite directement des tranchées à un poste d’observation

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***

le 7 janvier 1916 à 19h00

Ma chère petite Yette

Reçu ce soir votre lettre du 4. alors vous m’aviez encore pas vu mon ami le 4. j’espère que vous le connaissez maintenant et qu’il vous a produit une bonne impression j’en serai d’autant plus heureux que si un jour il nous était possible de nous « réunir » il serait notre bon ami.
Merci d’avoir donné de mes nouvelles chez moi au moins ils auront été moins inquiets.
Loulette m’a fait bien rire dans une lettre, elle m’a dit qu’il fallait que j’ouvre l’oeil parce que vous étiez au mieux avec mon père, hein elle a du toupet Loulette, au contraire j'en suis heureux, il faut mêle souhaiter que cela continue…
En effet ma petite Yette vous êtes impatiente pour la permission, c’est assez naturel et je suis de même mais vous savez, il faut attendre. Si au reçu de cette lettre vous n’aviez pas encore vu mon ami et que vous soyez pour le voir demandez- lui de ma part qu’il vous passe une photo, où je suis avec tous mes parents, n’ayez pas peur de lui parler, c’est presque un deuxième moi, et je vous assure que sachant qui vous êtes, il ne vous refusera rien. D’ailleurs je lui en parlerai moi-même. Et puis j’y songe, il sera certainement souvent chez moi, je suis certain que si vous pouvez disposer d’un dimanche, après entente entre vous













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le 11 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Aujourd’hui pas de lettre mais se sera pour demain.
En effet il ne faut pas que les journaux connaissent notre histoire elle est à nous et ça ne regarde personne.
Alors la guerre va finir au mois de juillet tant mieux, mais c’est encore un peu loin. Enfin nous patienterons. Et puis, je ne ferais pas de rabiot puisque je ne serai libéré qu’en octobre 1917 ensuite se sera la vie civile et …. Ca changera beaucoup de choses et la de grands évènements pourront survenir n’est-ce pas votre idée ?
Pour encore un peu d’espoirs et nous serons certainement heureux.
J’arrête car voilà les Boches qui nous lancent des obus et il faut se ---- -- comme sur les petites affiches. A demain.
Recevez de votre grand fiancé ses meilleurs baisers.

PS : Je ne mets pas futur grand fiancé (pourquoi futur ?) hein !…

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le 11 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Bien reçu vos lettres des 6 et 7. aujourd’hui je n’ai pas beaucoup de temps je travaille dur, ça fait passer le temps. Alors vous avez vu mon ami DESNOS et vous l’avez fait rire tant mieux il n’aura eu qu’une meilleure impression de vous.
Alors c’est entendue nous sommes bien décidés à patienter jusqu’à la fin de février et alors vive la permission.
Mon ami des tranchées a du vous parler de notre sale vie, car avec la boue qu’il y a, elle n’est guère propre.
Enfin, la santé est toujours bonne.
Sur ce ma chère petite Yette, à demain. Je vous envoie beaucoup de bons baisers.


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le 15 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Deux mots afin de ne pas vous laisser sans nouvelles. Aujourd’hui je n’ai guère de temps c’est la faute aux Boches.
Je rattraperai demain.
Bons baisers.

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le 16 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Hier j’avais reçu votre lettre du 11 aujourd’hui j’ai reçu celle du 8 (ça marche bien le service postal).
Alors mon ami Georges voulait vous embrasser c’est grave cela il me l’a dit également, et j’ai ri en apprenant cela.
Ce qui me fait plaisir c’est qu’il n’en sera pas de même pour moi, aussi vivement ce jour là.
Alors vous avez été augmentée vous en avez de la veine, moi aussi j’ai été augmenté mais je suis encore loin d’avoir 3 francs par jour. Enfin çà reviendra aussi que je sois payé plus cher. Je suis comme vous j’attends la fin de la guerre.
Alors vous avez deviné l’autre jour que la lettre que vous receviez était longue et ce rien qu’à l’enveloppe. En effet vous commencez à connaître mes habitudes. Mois aussi je commence à connaître non seulement vos habitudes mais aussi votre caractère ; et je suis content de savoir que vous riez toujours parce que c’est un peu comme moi (en temps de paix).
Aussi il est sure que plus tard nous fassions bon ménage (ce qu’on rigolera bien !).
Aujourd’hui c’est dimanche, aussi ce soir j’ai envie d’aller au cinéma. Comme tableau « la guerre » on croirait que c’est réel il y a même les bruits et puis nous avons également un peu d’artifice, seulement il faut faire attention parce qu’en l’air il se promène des petits morceaux de fer qui sont assez dangereux.


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Je vois que décidemment vous êtes au mieux avec votre première, tant mieux il vaut mieux ainsi.
Sur ce j’arrête car le temps me manque.
Recevez ma chère petite Yette les meilleurs baisers de votre grand.

"Il parle des conditions d’hygiène et raconte que depuis au moins 18 jours il n’avait pas pu se laver et raser."

***


le 20 janvier 1916

Ma chère petite Yette
Toujours en ligne mais cette fois je crois que le repos est pour demain peut être ; Aussi aujourd’hui je ne je ne m’étends pas mais dès mon arrivée au repos j’écrirai plus longuement.
Donc à demain ma petite Yette bien aimée et recevez beaucoup de bons baisers de votre grands.

***


le 23 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Enfin me voici au repos depuis hier soir 7h et je vous assure que çà semble bon.
Aujourd’hui douches, nettoyage etc… Cà fait du bien.
Bien reçu les lettres des 17-18-19.
Alors parce que je ris de vos réflexions vous ne voulez plus en faire et bien c’est un tort il faut continuer car çà m’amuse beaucoup et puis j’y suis habitué et ça me semblerait drôle.
Alors vous avez encore des idées noires parce que vous n’êtes pas certaine que vous me plairez, çà c’est mal et il ne faut pas continuer car sinon je me fâcherai tout rouge. Et puis la permission proche je suis le 34ème à partir donc espoir !


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Merci pour votre petit calendrier.
Je vous envoie tous mes meilleurs baisers.
PS : Bonjour de Georges
"Il parle de ses opinions et activités dans le civil."

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le 24 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Bien reçu votre lettre du 21. Suis toujours au repos mais en plein préparatifs pour le départ aux tranchées. En effet c’est demain soir le départ.
Alors vous êtes encore resté 2 jours sans nouvelles c’est terrible cela d’autant plus que j’écris tous les jours.
Merci pour votre mimosa il est arrivé en bon état.
Alors j’espère que cette fois vous avez vu le médecin et que ce n’est pas grave. Demain avant mon départ j’essaierai de vous écrire plus longuement.

Meilleurs baisers et a demain.

***


le 25 janvier 1916 MINUIT ½

Ma chère petite Yette

J’ai reçu, il y a quelques instant votre lettre du 22. D’abord, il faut vous dire que je suis remonté en ligne ce soir et cela expliquera l’heure tardive à laquelle je vous écris.
Donc revenons à la lettre, autant que je peux en juger vous ne deviez être guère gaie lorsque vous l’avez écrite.
Et pourquoi ? parce que mon copain vous a trouvé petite. Je ne vois pas en cela un sujet à s’attrister. Quant bien même tous mes copains vous trouveraient petite, qu’est ce que cela peut bien me faire à moi.


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le 27 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Alors vous voilà redevenue gaie, vraiment j’en suis heureux moi-même.
Vous demandez si vous êtes pardonnée, mais je ne vous en ai jamais voulu. Quant à ma barde rassurez-vous, je ne la garde plus elle a disparue.
Soyez également rassurée, je n’ai pas grondé Loulette, vous pensez que je n’oserai pas grondé ma petite soeur.
Je suis en ligne et aujourd’hui, quoique ce soit la fête du Kaiser, les Boches ont été tranquilles. Pour la permission rien de nouveau, je progresse lentement mais sûrement. Je crois que ça va venir assez vite car il y a des camarades qui devaient partir avant moi et qui sont évacués, donc ce sera autant de moins à attendre.
Sur ce ma petite Yette je vais vous dire à demain.

Un panier de gros baisers.

"La fête du Kaiser et le malheur des uns fait…"

***


le 30 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Hier je ne vous ai pas écrit mais j’espère que vous ne m’en voulez pas.
Il faut que je vous dise que j’ai fait 4 jours de 1ère ligne et que maintenant je suis un petit peu plus en arrière, où je suis plus tranquille et ou je peux me nettoyer.
Alors vous vouliez vous battre à cause de votre lettre, vraiment ce serait regrettable et ne servirait pas à grand-chose. J’espère que maintenant vous n’êtes plus fâchée avec Loulette, il y a vraiment beaucoup de bruit pour pas grand choses. Quant à ma permission, je ne peux pas vous renseigner plus exactement car les départs sont


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***


le 1er février 1916

Ma chère petite Yette

Alors vous voilà rassurée. J’espère que maintenant il ne sera plus question de cette histoire. Je suis toujours en ligne et irai peut-être au repos d’ici peu et plus longtemps que la dernière fois sans doute.
Aujourd’hui je vais être bref car je n’ai guère de temps et donne le service d’abord. J’espère qu’après la guerre il en sera autrement, c'està- dire que ce sera Yette d’abord, enfin encore de la patience !
Donc à demain et plus longuement. En attendant je vous envoie de gros baisers.

***


le 3 février 1916

Ma chère petite YetteReçu votre lettre du 31. Alors les Zeppelins ne vous ont pas fait peur. Au moins c’est bien, cela prouve que vous êtes brave, mais ça ne fait rien ces sales Boches pourraient bien rester tranquilles.
Je suis changé de secteur depuis hier et nous sommes un peu moins tranquilles que dans celui que nous venons de quitter, mais enfin c’est néanmoins assez tranquille. Aujourd’hui je ne vais pas vous écrire longuement car il faut que nous nous organisions et dame c’est du boulot.
Donc à demain plus longuement. Un million de gros baisers.

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le 4 février 1916

Ma chère petite Yette

Bien reçu vos lettres des 1er et 2. Décidemment je crois que vous avez les Zeppelins en horreurs il est vrai que ça n’a rien d’agréable j’en conviens. Enfin patientez un peu lorsque j’irai en permission je vous - - des conseils a savoir en cas de re-bombardement.


- 31 -


***


le 8 février 1916

Ma chère petite Yette

Reçu ce soir votre lettre du 5. Alors vous avez trouvé sérieux ma lettre du 30 c’est drôle je ne m’en souviens pas. Enfin c’est possible car il y a des moments ou je suis un peu neurasthénique mais ils sont brefs ces moments bienheureusement d’ailleurs.
En effet nous m’avez fait rire en disant que vous voudriez être garçon, je ne vous cache pas que bien des fois j’aurai voulu être fille moi, enfin s’il n’y a que cela lorsque plus tard nous serons ensemble, on changera les rôles et tout sera pour le mieux.
J’ai appris que vous aviez passé la journée de dimanche chez moi, Loulette m’a même ajouté que vous alliez rire, je m’en doute pas et je souhaite qu’il ait été ainsi.
Comme il commence à être tard je vais arrêter ma lettre en vous envoyantde bons gros baisers.

***


le 9 février 1916

Ma chère petite Yette

Aujourd’hui pas de lettre mais c’est certainement à cause de dimanche. Depuis ce matin nous avons de la neige comme le temps change ! Il y a quelques jours on aurait cru être au printemps. La permission progresse n°17 encore un peu d’espoir.
Loulette m’a vaguement parlé de votre après midi de dimanche, il parait que vous avez bien ri. Tant mieux il vaut mieux cela que le contraire.
Et les Zeppelins, j’espère qu’ils vous dérangent plus maintenant.
Je vais être bref car il est assez tard et je vais tacher de bien dormir car actuellement je suis un peu à l’arrière des lignes et demain je remonte en 1ère ligne pour 4 jours.

Donc à bientôt. Beaucoup de bons baisers.

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Quant au camarade que vous avez cru rencontrer, il y a certainement une erreur car il va partir en permission dans quelques jours et était avec nous au mois de janvier.
A part ces petits inc idents rien de neuf à vous raconter.
Ainsi je vous dis à demain et vous envoie mes meilleurs baisers.

***

le 16 février 1916
Ma chère petite Yette
Aujourd’hui rien de vous, mais comme hier j’en avais plusieurs ça compense.
Me voici, depuis 2 jours, un peu à l’arrière de la ligne et je commence à me rétablir un peu du fameux bombardement des ces jours derniers.
La santé est bonne et j’espère qu’il en est de même pour vous. Et puis d’ici peu nous allons aller au repos pour 4 jours. Aller, je pourrais me remettre complètement. Ne faite pas attention à la propreté du papier c’est un accident.
Je vais être bref car l’heure s’avance et je vais aller dormir, non pas sans vous avoir envoyé beaucoup de bons baisers.

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le 17 février 1916

Ma chère petite Yette

Bien reçu votre lettre du 14 ce soir. Alors vous êtes bien fâchée contre le service Postal, il n’y a pas que vous dans ce cas là, je vous assure qu’il en est de même pour moi.
Quant à la remise de vos lettres, il faut bien que je les remette à un camarade car vous savez en 1ère ligne il n’y a pas de boite à lettres cependant, je crois pas que la faute vienne de là.
Le temps ne c’est pas beaucoup modifié depuis quelques jours, toujours la pluie c’est terrible car tout s’éboule, les tranchées et les boyaux.







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Ah non, ce serait certainement trop dur. Quant au long repos, il est retardé enfin vivement qu’il vienne.
C’est très drôle, mais depuis que je suis au repos il fait un temps superbe, aussi j’en profite, je vous assure. Je suis heureux que mon papier à lettres vous ai semblé beau, mais à ce sujet je dois vous dire plusieurs choses :
1° C’est que ce n’est pas moi qui l’achète puisqu’on me l’apporte aux tranchées.
2° C’est que ce sujet me laisse complètement indifférent le papier c’est secondaire pour moi.
Quant au petit journal des tranchées, je vous avoue que je ne le reçois pas, mais cela vous dérangerai peut-être de me l’envoyer. Enfin en cas contraire j’en serais très heureux.
Croyez- vous que le discours relaté par le Daily Télégraphe dise vrai, quelle veine mais je ne vois pas cela possible enfin attendons. Alors vous avez compris que si ces derniers temps je ne vous avais pas écrit plus régulièrement c’est que je n’avais aucun instant à moi, et puis nous avons passé 3 jours terribles, je ne croyais pas en revenir. Quelle boucherie!
Enfin vivement la permission cela me remettra complètement. Sur ce j’arrête jusqu’à demain.
Je vous envoie des meilleurs gros baisers.

"Il parle pour la première fois de la « Boucherie » des tranchées."

***


le 22 février 1916

Ma chère petite Yette

Avant de quitter le repos je vous envoie quelques mots. La santé est bonne et le rhumatisme disparu donc tout va pour le mieux.
Quant au temps qui était très beau hier, il a changé et une épaisse couche de neige couvre le sol. Enfin c’est la guerre et il faut tout supporter.

- 37 -


Pour ce soir, je vais arrêter notre bavardage.
Je vous envoie beaucoup de gros baisers.

***


le 25 février 1916

Ma chère petite Yette

Reçu ce soir vos lettres des 22 et 23 cette fois elles arrivent bien les lettres. J’espère qu’il en est de même pour vous.
Alors vous êtes contente qu’un Zeppelin ait été abattu, je comprends cela, mais hélas, il y en a encore bien d’autres.
En effet le temps va vous sembler plus long si vous ne voyez plus Loulette tous les jours, mais j’espère que les Boches me laisseront le temps de vous écrire tous les jours, ainsi cela passera un peu cet ennui.
Quant à la permission, voilà ou cela en est: Demain soir après le départ d’un permissionnaire j’aurai le numéro 11, donc cela approche, mais en présence des évènements, il ne serait pas rare que les départs soient irréguliers. Je compte simplement pour la 1ère quinzaine de mars en chiffres ronds 20 ou 25 jours quant à mon arrivée se sera un jour impair car on ne part que les jours pairs, et le train arrive à Paris vers 2h30 de l’après midi.
Voila tout ce que je peux vous dire à ce sujet pour le moment, mais je vous tiendrai au courant de tout ce qui arrivera à ce sujet, donc encore un peu de patience.
Quant à notre 1ère entrevue, il ne faudra pas s’émotionner pour si peu, puisque nous sommes déjà de vieux amis.
Sur ce je vais arrêter mon bavardage et vous dire à demain.

Beaucoup de gros baisers.












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***


le 1er mars 1916

Ma chère petite Yette

Toujours en ligne! Mais ici c’est assez calme. Alors vous avez beaucoup de neige à Paris, cela à du vous sembler drôle, ici il en a été de même, mais c’était loin d’être drôle. Et puis, il parait que la Seine monte beaucoup. Il ne manquerait plus qu’il y ai des inondations, ce serait le bouquet. Espérons que cela ne sera pas. Voila enfin cette 1ère quinzaine de mars tant attendue.
Hélas, elle ne nous réunira pas comme nous l’avions cru, et dire que c’est de la faute à ce maudit KRONPRINTZ c’est à nous dégoûter.
Maintenant je ne peux plus rien fixer, il faut attendre, aussi attendons. Entre nous je crois qu’elle aura été désirée cette permission. J’espère qu’elle n’en sera que meilleure.
Pour aujourd’hui je vais arrêter mon bavardage en vous envoyant beaucoup de gros baisers.

***


le 3 mars 1916

Ma chère petite Yette

Bien reçu vos lettres des 26 et 28, ainsi que le journal des tranchées, dont je vous remercie beaucoup car il était très amusant. Je prends note de votre conseil pour la blague en peau de rat, mais voilà ils ont des puces et je me demande si je dois les garder aussi. Qu’en pensezvous ? Encore un nouveau métier. Je suis « cuistot » ou si vous aimez mieux cuisinier de ma section. Je vous assure que ça barde, quant à la cuisine elle est bonne parait- il alors tout va pour le mieux.
Et puis, comme tout cuistot qui se respecte, j’ai la figure et les mains noires et graisseuses (vous allez avoir une fâcheuse idée de moi question propreté) mais c’est la mode alors !…

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Vous me parlez de la future marraine de mon copain, mais la connaissez-vous? J’ai cru comprendre que c’est par votre intermédiaire que Loulette l’avait connu. Me suis-je trompé ?
Quant à vos devinettes elles sont épatantes.
Maintenant reparlons permission, il paraît qu’elles vont reprendre incessamment, mais rien de fixé exactement.
Espérons que ce sera dans quelques jours.
Sur ce, je vous dis à demain et vous envoie mes meilleurs baisers.

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Le 9 mars 1916

Ma chère petite Yette

Reçu ce soir vos lettres des 6 et 7 dont l’une contenait le journal des tranchées que je vais lire tout à l’heure. Ici nous avons de la neige c’est dégoûtant, vivement le dégel que nous puissions aller manger sur l’herbe.
On m’a confirmé aujourd’hui que les permissions allaient reprendre dans quelques jours tant mieux.
Avec quelques copains nous avons confectionné en quelques jours un abri souterrain, où nous avons fait des lits une table, c’est presque une petite villa. Après la guerre nous construirons la notre hein ! Ca sera épatant.
Sur ce, je vous dis à demain et vous envoie de bons baisers.

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Le 10 mars 1916

Ma chère petite Yette


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Le 14 mars 1916

Ma chère petite Yette

Vous ne devez pas avoir eu beaucoup de mes nouvelles depuis 2 ou 3 jours, mais le temps me manquait.
Ici rien de nouveau, je suis toujours en ligne devant des Boches, plutôt calmes d’ailleurs.
Il fait un temps superbe et j’espère que cela va durer car au moins nous avons un peu moins de boue.
La santé est toujours bonne j’espère qu’il en est de même pour vous. Quant aux permissions rien de neuf c’est long à revenir. Mais maintenant je crois qu’il faudra attendre la fin de la grande bataille de Verdun.
Et puis voyez vous je leur en ferais bien cadeau de leur permission en échange la fin de la guerre arriverait enfin. Sur ce chapitre attendons peut être viendra t’elle assez vite.
Sur ce je vous dis à demain et vous envoie de bons baisers.

"Il parle de la boue et surtout de la bataille de Verdun."

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Le 16 mars 1916

Ma chère petite Yette

Bien reçu vos lettres des 11 et 13. Pour les permissions rien de neuf il faut attendre, toujours attendre, enfin cela viendra bien un jour.
Nous avons un temps superbe depuis quelques jours mais quelle boue il y a encore !
Merci pour vos petites fleurs elles n’ont rappelé un peu ce lointain Paris.
Le secteur est toujours assez calme, mais néanmoins l’artillerie commence à tirer.
Ce qui me console c’est que j’ai beaucoup de chances qu’il fasse beau temps lorsque j’irai en permission alors ce sera épatant.
En attendant ce jour tant attendu je vous envoie de bons baisers.

"Il parle encore de la boue."

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Le 17 mars 1916

Ma chère petite Yette

Hier rien de vous mais j’attends ce soir avec impatience.
Le beau temps continue et c’est dehors sous un beau soleil que je vous écris. Ce serait vraiment la bonne vie si les obus ne sifflaient continuellement sur nos têtes, enfin le principal c’est qu’ils atterrissent plus loin.
Ce matin j’ai cherché une fleur quelconque qui aurait pu pousser sur nos tranchées mais rien enfin dans quelques temps je tacherais de vous en envoyer.
Aujourd’hui c’est vraiment drôle je ne sais quoi écrire. Et pourtant ce temps devrait inspirer les sentiments poétiques. Il est vrai que je n’ai rien du poète.
Enfin vivement les permissions cela me ramènera un peu à la vie civilisée et m’éclaircira un peu de cerveau.
Sur ce à demain.

Je vous envoie de bons baisers.

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Le 18 mars 1916

Ma chère petite Yette

Reçu hier soir votre lettre du 14. alors vous avez du beau temps à Paris. Et bien ici c’est pareil et cette fois la boue disparaît, aussi je suis heureux car je commence à être plus propre.
Quant aux permissions elles sont toujours suspendues, aussi c’est fini, je n’en parle plus.
Quant à votre recette elle doit être excellente, mais je la crois trop compliquée pour mes faibles capacités culinaires.
Néanmoins les jeux de mots sont bien trouvés.
En effet votre compagne n’a pas perdu son temps en vous la communiquant. Quant à avoir des craintes au sujet de sa présentation vous avez tort je ne suis pas un « emballé ».
Je la remercie de ses bons voeux et vous prie de lui présenter mes respects.

Et vous, je vous envoie de bons baisers.

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Le 19 mars 1916

Ma chère petite Yette

Deux mots seulement je suis évacué, ma maladie n’est pas très grave d’ailleurs. Loulette pourra vous donner des renseignements à ce sujet.
N’écrivez plus à l’ancie nne adresse. Je vous enverrai la nouvelle dès que possible.
Bons baisers et à bientôt

"Il est à l’hôpital mais pourquoi, Maladie ou blessure !?"

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Le 20 mars 1916

Ma chère petite Yette

Deux mots encore ! En effet tant que je ne serai pas installé, il ne me sera guère possible d’écrire longuement. Malgré cela Loulette pourra vous donner quelques détails.
Sachez seulement que la santé n’est pas trop ébranlée quant au moral il est assez bon.<
Je vous écris de dans mon lit, car cette fois j’ai un vrai lit.
Je vous mets ma nouvelle adresse plus bas.

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Le 22 mars 1916

Ma chère petite Yette

Le temps commence à me sembler long, en effet cela fait 3 jours que je n’ai pas reçu de lettre et il faut que j’attende encore 8 jours au moins, enfin cela va venir assez vite j’espère bien.
La santé est meilleure la fièvre a disparue, et je tousse moins quant à l’albumine elle ne change guère.
C’est cette fois qu’elle va être retardée ma permission, enfin espérons qu’elle sera plus longue.
Il va peut être y avoir un train pour le centre demain alors le voyage va commencer.
Je vous tiendrai au courant.
Je termine en vous envoyant de bons gros baisers.

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Le 23 mars 1916

Ma chère petite Yette

Toujours à St Nicolas !
Je ne crois pas y rester longtemps car il paraît qu’il va y avoir un train demain ou dimanche.

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A ce sujet je vous demanderais des renseignements question toilette par exemple : renseignement n’est pas juste ce sont des conseils que je vous demanderais.
Voyons aujourd’hui
1° En ce qui concerne mes inséparables compagnons de tranchées, il faut mieux m’en débarrasser n’est-ce pas ?
2° Question plus sérieuse. Comment dois-je me peigner ?
La raie au milieu, sur le coté.. ?
3° Est-ce que je dois garder mes moustaches ? Voilà pour aujourd’hui. J’espère que vous m’écrierez des réponses rapides dès que je vous aurais envoyé ma nouvelle adresse.
Par exemple où je vais avoir besoin de conseils c’est lorsque je vais vouloir arranger mes vêtements quel travail ! Enfin je tacherai de trouver une couturière, ce sera plus simple.
Pur aujourd’hui je vais terminer mon bavardage, en vous envoyant beaucoup de gros baisers.

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Le 26 mars 1916

Ma chère petite Yette

Deux mots pour vous dire qu’il y a eu contre ordre et que ce soir je ne pars pas, ce sera pour demain paraît- il ça devient embêtant d’attendre aussi longtemps enfin.. !
La santé est toujours pareille plutôt meilleure.
Je vais être bref car j’avais attendu assez tard pour écrire.
Je vous envoie deux bons baisers.

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St Nicolas Le 27 mars 1916

Ma chère petite Yette

Encore pas de train aujourd’hui ça devient désespérant, et je commence à trouver le temps long surtout qu’à cet hôpital, beaucoup de choses laissent à désirer.

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Le 29 mars 1916

Ma chère petite Yette

Je pars ce soir vous enverrai nouvelle adresse. Bons baisers.

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Dôle Le 1er avril 1916 Ma chère petite Yette Me voici enfin presque installé, je dis presque parce que je le serais tout à fait lorsque je recevrai des lettres. Je suis donc dans le Jura, dans un grand hôpital, où je suis soigné principalement par des infirmières de la + Rouge assistées de quelques soeurs. Je ne souffre guère mais je ne pense pas manger c’est plus ennuyeux. Et vous, comment allez-vous ? toujours bien je l’espère, il me semble qu’il y a longtemps que je n’ai rien reçu de vous.
Aujourd’hui je ne vais pas m’étendre car j’ai de nombreuses lettres à envoyer afin de faire parvenir ma nouvelle adresse à tous mes amis.
Aussi je termine en vous envoyant de gros baisers.

Eugène BOISSIERE Mitrailleur du 167ème Infie
Hôpital N° 5
Salle 5
DOLE (JURA)

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Dôle Le 2 avril 1916 Ma chère petite Yette Pas encore de lettre aujourd’hui mais j’espère pour demain car les lettres ne mettent que 2 jours aller retour paraît- il. La santé est toujours assez bonne.



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Est-ce cette pluie ? Ou une autre cause ? Qui m’ont mis de méchante humeur. J’ignore, mais depuis hier soir tout marche mal à mon point de vue, et c’est avec un grand plaisir que je vois approcher l’heure ou je vais sortir de cet hôpital…….
En effet l’heure approche ou je vais enfin revoir ce cher Paris, et si ce n’est pour un mois ce sera au moins sept jours.
Alors la mi-carême a été triste cette année, je n’en doute pas et celle de l’année prochaine est bien menacée d’un pareil sort.
Ah et puis j’arrête avec ma méchante humeur, vous n’êtes pas en cause alors c’est bête de ma part. Je tiens à vous remercier de votre belle carte. Comme il ferait bon d’être débarrassé du terrible cauchemar et de vivre une vie heureuse, comme la laisse entrevoir cette image. Mais hélas ! Il y a du riches à protéger ! Allons bon ! Me voici reparti dans mes idées.
Aussi constatant qu’il m’est impossible d’écrire deux mots sans manifester mes idées maussades, je préfère arrêter. Demain j’aurai quitté l’hôpital et j’espère que cela ira mieux. Pour vous dédommager de toutes mes tristes réflexions, je vous envoie beaucoup de bons baisers.

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Le 7 avril 1916

Ma chère petite Yette

Pas grand chose de nouveau à vous annoncer. J’ai enfin quitté l’hôpital et suis au dépôt des convalescents. Là, nous sommes assez libres. Hier j’ai été au cinéma, et aujourd’hui avec un camarade nous avons fait une longue partie de barque.
Je vais passer une première visite demain matin et je l’attends avec impatience. En effet, sur 2 malades d’albumine passés avant moi, un a 2 mois de convalescence et l’autre est proposé pour la réforme.
Dès que je saurai le résultat de la 1ère visite je vous l’enverrai.
Donc à demain et bons baisers.

"IL A CERTAINEMENT EU SA PERMISSION CAR PAS DE LETTRES ENTRE le 7 AVRIL et 22 AVRIL 1916"

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Paray, le 23 avril 1916

Ma chère petite chérie

Après un voyage que j’ai trouvé court pour la raison que j’ai dormi presque continuellement, je suis arrivé à Paray le Monial vers 5h30 du matin.
Nos sommes cantonnés dans des fermes autour de la ville et je suis installé avec deux camarades dans une petite étable bien nettoyée et assez bien organisée.
La ville de Paray est assez gentille et les habitants sont très aimables avec la troupe ce qui fait beaucoup.
Maintenant je reviens un peu à mon voyage. Lorsque je vous ai quitté j’avais, je vous l’assure, un vilain cafard, mais j’ai fait mon possible pour le cacher car je craignais pour la séparation avec maman. Enfin, cela a été assez bien car je me suis arrangé pour que ce soit bref. Et puis, il y a eu le moment ou le train est parti alors ça n’allait pas encore très bien. C’est que ce n’était plus une petite amie que je quittais avec Paris c’est une fiancée et dame.. !
Alors je me suis souvenu de nos petites promenades et j’ai eu un regret c’est de ne pas avoir été assez « bavard », mais vous savez, il me semblait que dès l’instant où nous étions ensemble il n’était pas nécessaire de beaucoup se parler, et puis n’est-ce pas inutile de s’avouer que l’on s’aime ? Cela se ressent et ne s’explique pas, n’est ce pas votre avis ? J’espère que vous m’avez néanmoins bien compris, vous me le direz n’est ce pas.
Je suis actuellement en train de prendre mon café, et de vous écrire cela me fait l’impression de parler avec vous. Alors vous voyez comme c’est beau l’imagination, de cette façon nous prenons le café ensemble.
Mais voilà l’heure qui approche ou il va falloir rentrer (8h30) aussi je vous dis à demain et vous envoie beaucoup de gros baisers.

Votre Eugène

167ème d’Infie 32ème compagnie 2ème secteur (Saône et Loire) Paray le Monial

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Paray, le 26 avril 1916

Ma petite chérie

Je suis très heureux car ce matin j’ai reçu vos lettres des 22, 23, 24 et votre carte, de plus j’ai également eu une lettre de Loulette.
Merci de vos bons voeux espérons qu’ils se réalisent et vivement encore.
Merci aussi de votre petite branche de lilas, je la garde précieusement.
Vous me parlez déjà de permission et bien cela va peut-être vous étonner, mais il est fort possible que j’y retourne d’ici peu, mais pour 4 jours seulement enfin cela sera déjà cela.
Quelle drôle de question vous me posez à la fin de votre lettre du 22, vous demandez si je permets que vous mettiez « votre fiancée », mais c’est tout à fait naturel cela et maintenant je ne vous considère pas autrement, d’autant plus que nous nous aimons bien et que nos parents en sont informés, il n’y a pas de raisons qu’il n’en soit pas ainsi.
D’ailleurs, je suis sur que c’est également votre idée n’est-ce pas ma petite Yette ?
Quant à apprendre à mieux nous connaître et bien c’est entendu dès aujourd’hui nous commencerons, et puis-je suis certain d’avance, que nos caractères doivent pouvoir s’accorder, enfin je reviens à vos lettres.
Alors il fait un temps superbe à Paris, il en est de même à Paray, il fait même chaud. Mais quoique je m’ennuie un peu lorsque je songe au temps qu’il a fait pendant ma permission, ce n’est pas trop grave.
Maintenant une demande, combien faudra t’il écrire de lettres à Bicon afin que votre mère ne se doute pas que je vous écris à Paris ? et puis n’ai pas l’air trop indifférent dans celle que j’écris chez vous, c’est que je me doute bien que votre mère les lit.
Quant à vous gronder pour avoir eu le cafard ce serait difficile car je ne sais pas gronder, c’est vrai cela et puis je l’ai eu aussi alors je n’ai rien à dire.




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Vous ne vous imaginez pas comme c’était drôle. Lorsque vous aurez le temps essayez de vous représenter tout ce que j’ai vu en songe.
D’abord le mariage, çà je vous avoue que c’est ce sui m’a semblé le moins intéressant, à cause des cérémonies, des invités etc.…Puis la bonne petite vie de famille, seuls chez soi, voilà ce que j’ai toujours rêvé, et puis voyez si tout était prévu j’avais calculé que finissant à 6h je vous attendais nous partions ensemble et voilà.
Néanmoins lorsque je dis seuls je ne veux pas dire isolés de tout le monde et non j’aimerai au contraire recevoir des amis, et le dimanche aller faire des parties de campagne, mais voilà le rêve c’est mal terminé car jetant un coup d’oeil sur mon uniforme, je me suis rappelé que j’étais soldat et que nous étions en guerre. Triste réalité après un si beau rêve. Enfin ma chère petite espérons toujours en la fin de ce fléau et si je puis en revenir, il ne tiendra qu’à vous pour que mon beau rêve devienne réalité. Alors il est certain que ce jour là, le bonheur que nous aurons à rester ensemble toujours effacera tous les mauvais souvenirs du passé.
Pour aujourd’hui, je vais terminer et qui sait peut-être ferais-je encore un beau songe pendant ma promenade de ce soir alors je vous le raconterai.
Donc à demain ma petite Yette pour ce soir je vous envoie un bon baiser un seul mais un très gros.

Votre Eugène

"Demande en mariage.. !?"

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Paray, le 28 avril 1916

Ma Yette chérie

J’ai reçu à midi votre lettre du 26 et j’ai été ennuyé de savoir que vous n’aviez pas encore reçu de lettre à la maison Dreyfus pourtant Loulette m’a déjà répondu à une lettre envoyée en même temps que la votre.
Enfin j’espère que vous n’en êtes pas fâchée, puisque ce n’est pas ma faute.
Aujourd’hui j’ai commencé à faire de l’exercice et il faisait très chaud si cela continu je vais devenir nègre par l’action du soleil.

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"Deux lettres le 29 avril peut-être c’est il trompé car je n’en trouve pas."

le 30 avril 1916

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Paray, le 29 avril 1916

Ma petite Yette bien aimée

J’ai reçu à midi votre lettre du 27 et j’ai été heureux de savoir que vous aviez reçu des lettres à la maison Dreyfus.
Si ma lettre du 23 vous a fait plaisir, la réponse ne m’a pas moins enchanté car j’ai appris que mes sentiments étaient partagés et c’est tout ce qu’il me fallait pour être heureux, aussi je ferai tout mon possible, croyez le bien, pour continuer à les mériter ces sentiments. Quant à être plus bavards lors de ma prochaine permission c’est fort possible, car nous connaissant mieux je serai moins hésitant c’est voyez vous je suis plutôt timide, cela va nous faire rire et c’est pourtant vrai. Aussi il ne faudra pas l’être vis à vis de moi car cela ne ferait qu’augmenter ma timidité. Et puis, je vous le répète, il me semble que je ne serai plus gêné du tout lorsque je vous reverrai. D’ailleurs ma permission va être retardée ainsi que je l’explique dans une autre lettre adressée à ???? et nous allons commencer à être très bavards dans nos le ttres ce qui fait que nous n’aurons qu’à continuer lorsque nous nous reverrons.
Je vois dans votre lettre que décidément la mienne vous a beaucoup plu, tant mieux ma chère petite, et puis j’avoue qu’il en est de même pour moi au sujet des vôtres. Enfin, j’en conclue que d’un coté ou de l’autre ce n’est que le résultat de mon séjour auprès de vous, séjour qui a fait que nous nous sommes compris et aimé. Aussi c’est une permission qui restera, je le crois inoubliable pour nous.
Ah ! Malgré la joie que j’ai à bavarder avec vous ma petite Yette chérie, je vais arrêter pour ce soir.
Maintenant lorsque vous m’écrirez vous changerez l’adresse ainsi :

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Quant au temps il est toujours superbe est-ce assez ironique, lorsque je pense à l’eau qui est tombée sans cesse pendant ma dernière permission.
Comme la banlieue doit être belle maintenant tout doit être fleuri. Vraiment il faudrait mieux pouvoir se promener ensemble que de repartir au front, enfin, espérons que l’année prochaine cette terrible guerre sera finie, et cela semblera bon d’être délivré de cet affreux cauchemar.
Sur ce ma petite Yette, je vais vous quitter avec l’espoir d’avoir de vos nouvelles.
Souhaitez bien le bonjour à votre mère ainsi qu’à votre soeur de ma part. N’oubliez pas non plus votre petite mère que je remercie de son gentil bonjour.
Je vous embrasse bien fort.

***


Paray, le 1er mai 1916

Ma petite Yette chérie.

Hier j’étais dans le déménagement et aujourd’hui je me suis installé dans mon nouveau logement. Donc me revoilà mitrailleur et je vous assure que j’en suis heureux.
Je me suis fait inscrire à nouveau pour une permission et si elle est acceptée, je pars après demain matin mercredi pour arriver à Paris vers 5h40 du soir. Quelle joie hein ! Cette fois j’espère que le beau temps nous favorisera ou alors ce serait réellement de la malchance. Depuis hier je n’ai pas eu de lettre car elles sont probablement arrivées à la 32ème, enfin j’espère en avoir demain.
Je ne vais pas écrire plus longuement car je suis plutôt fatigué.
Donc à demain et beaucoup de gros baisers.

"Il a certainement eu sa permission"

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Lettres adressées à cette adresse :
Mademoiselle Henriette JORDAN
Maison Dreyfus
4, rue d’Aboukir -Paris
Par
Eugène BOISSIERE
Mitrailleur 167ème Infanterie
Cie de Mitrailleurs de la 255ème Brigade S.P. 48
de décembre 1915 à juillet 1917

En campagne le 26 novembre 1915
Mademoiselle Depuis quelques jours, Loulette me parle de vous. De telle façon qu’il m’est permis de croire, qu’elle serait heureuse de voir un rapprochement entre nous. Confiant dans le bon goût de ma soeur et sachant qu’elle vous connaît assez intimement, j’ose espérer que ce rapprochement lui aura semblé d’autant plus possible, qu’elle a jugé que nos caractères pouvaient s’accorder.
C’est pourquoi mademoiselle, je me permets de vous adresser cette lettre, afin de vous demander si, ne me connaissant pas, vous accepteriez quand même de devenir mon amie. Je ne vous cache pas que je serais entièrement prêt à devenir le vôtre.
Je mets amie ; je reconnais que ce mot ne traduit pas entièrement ma pensée, mais n’ose mettre fiancée car cela vous paraîtrait certainement trop drôle. Comment en effet se fiancer sans ce connaître ?
Et pourtant, quoique invraisemblable que cela puisse paraître. Il me semble qu’en présence des circonstances actuelles qui déjà ont tant changé notre, une pareille chose ne serait pas impossible. Tout cela voyez vous dépendrait des idées personnelles.
Je vous assure également que ce qui m’a complètement décidé à vous faire part des ces sentiments c’est ce que ma soeur m’a également assuré, que vous n’y étiez pas hostile et qu’au contraire, ils partageaient quelque peu les vôtres.


- 4 -

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le 4 décembre 1915

Chère mademoiselle Yette

Je viens de recevoir votre lettre du 1er contenant l’histoire de ce pauvre Oides. Je l’ai beaucoup plaint mais néanmoins la lettre ne m’a pas trop attristé. Que vais-je pouvoir vous raconter ?
Ma vie de Poilu : Cela vous amusera peut être un peu ; donc je commence.
Actuellement nous sommes au repos, dans un village en ruines. Ma section loge dans un grenier a peu près couvert. Je dis à peu près car il manque quelques tuiles qui permettent à l’eau de passer et d’arroser les dormeurs.
Le matin réveil à 6h30. je descends l’échelle (qui sert d’escalier) encore endormi. Puis, je risque un regard à l’extérieur. A ce moment la température décide de mon caractère pour la matinée au moins. Puis s’il ne fait pas trop froid je procède au nettoyage complet de mon individu. Nettoyage plus compliqué que pour un civil puisqu’il est augmenté d’une chasse. Au fait dois-je vous parler de cette dernière ? Il est vrai c’est excusable vue la guerre.
Donc procéder à une chasse d’une certaine espèce de faunes pas particulièrement dangereuse mais très embarrassante. Ensuite la matinée se passe à astiquer ou à faire un peu d’exercice.
Puis arrive l’heure de la soupe. Alors c’est à qui sera servi le premier, figurez-vous une bande d’affamés se précipitant les uns sur les autres et tout cela pour avoir une maigre ration à peine suffisante, enfin passons…
L’après midi re-exercice puis ensuite distribution des lettres ça c’est le meilleur moment de la journée c’est la que depuis deux jours j’ai eu le plaisir d’avoir de vos nouvelles.
Ensuite la soupe du soir et après avoir pris le café soit dans un débit soit chez des particuliers je vais me coucher.
Le gouvernement ne m’ayant pas offert de lit de ----- j’ai été dans l’obligation de m’en faire un creusant un trou dans la paille, mais ça ne m’empêche pas de dormir.



- 6 -

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le 7 décembre 1915

Chère mademoiselle Yette

Reçu aujourd’hui votre lettre et l’article qu’elle contenait relatif aux gens gais. En effet il est à souhaiter que l’avenir nous réunisse un jour car certainement nous ne pouvons que bien nous accorder. Vous voyez d’ici quel ménage nous pourrions faire. Seulement il faut attendre la fin de la guerre, et encore faudra t’il que j’en revienne à peu près complet sans cela j’avoue que ce ne serait pas gai…
Hier j’ai fait une ballade en auto, vous voyez que le gouvernement à des prévenances pour les fantassins.
Sur ce, je vous quitte en vous envoyant du front un amical bonjour.

***
le 8 décembre 1915

Chère mademoiselle Yette
Je m’empresse de répondre à votre charmante lettre du 6.
D’abord puisque nous devons nous écrire comme nous nous parlerions. Est-ce que je vous dirais « Chère mademoiselle Yette » non n’est-ce pas se serait trop long ? Alors comment dire « mademoiselle Yette » ce serait un peu court. Décidément voilà une question embarrassante.
Aussi, je la soumets à votre choix. Au fait je mettrai bien chère amie ou bien chère petite amie. Ca serait pas mal ça.
En parlant de petite amie, je ris car Loulette m’a dit que vous craigniez que je vous trouve petite, n’allez pas croire cela au contraire je préfère cela mademoiselle Yette, vous voyez que vous n’avez pas à vous faire de bile là dessus.
Aujourd’hui il est tombé de l’eau à verse j’ai été trempé. Je vous dis cela heureusement que j’ai pu me changer, car j’aurais été capable de fondre, ce qui n’aurait pas été rigolo.
Sur ce je vais terminer en vous envoyant mon meilleur bonjour.
Votre petit (ce n’est pas vrai je suis grand) ami.


- 8 -

En tous cas il ne nous est pas permis, je suppose de le critiquer, car soit ou l’autre ou même probablement tous les deux, il pourrait fort bien se faire que nous le faisions à notre tour.
En ce cas je ne pourrais pas m’empêcher de songer à la carte, et pour dégager notre responsabilité à ce sujet nous la proclamerions coupable puisqu’elle nous aurait donné une pareille idée !
Sur ce je vais mettre comme vous, passons, passons.
Ne faites pas attention à l’écriture je suis assis sur un morceau de bois dont l’équilibre menace continuellement de se rompre, ce qui a pour résultat de me faire exécuter un vol plané avec mon matériel de bureau.
Sur ce je vais arrêter et vous dire à demain, en vous envoyant mon meilleur bonjour, ainsi qu’une bonne poignée de main (c’est vivre voilà que je pense à la carte en ce moment).

Votre grand ami

***

le 12 décembre 1915

Chère petite amie

Bien reçu votre lettre. Aujourd’hui je suis très occupé et à mon grand regret je ne puis vous écrire une longue lettre.
Enfin soyez tranquille je vous promets de ne plus avoir d’idées noires c’est quelquefois dur mais enfin !…
Aujourd’hui je n’ai eu de nouvelles de personne enfin j’espère en avoir beaucoup ----
Sur ce je vous quitte ma chère petite amie en vous envoyant mes meilleures amitiés et … le voulez-vous ? Un baiser.

Votre grand ami.

***

le 16 décembre 1915

Chère petite amie

Hier je ne vous ai pas écrit mais je vous assure que je n’ai pas eu le temps j’espère d’ailleurs que vous comprendrez cela.


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Ne soyez pas désolée parce que vous avez l’air triste, cela servira au contraire a quelque chose. En effet lorsque j’aurai à peine le temps de vous écrire, je regarderai votre photo et je me dirai que c’est ainsi que vous allez être si vous n’avez pas de lettre ce qui fera que je me dépêcherai de vous écrire.
Maintenant il est assez juste que je vous donne mon impression mais au fait comment la traduire ? Elle est bonne certes très bonne mais ces mots là n’expriment qu’insuffisamment mon idée. Tenez il y a vous me plaisez beaucoup c’est peut être peu élégant mais au moins c’est clair n’est-ce pas ?…
Quand à ma permission je ne peux encore rien préciser mais je ne crois pas que ce soit avant la fin janvier, c’est encore long n’est-ce pas.
Enfin il faut patienter, c’est une vertu que l’on finit par acquérir ici. Sur ce je vais terminer car je vais aller astiquer mes « harnais ». Donc à demain.

En attendant recevez ma petite amie avec un affectueux bonjour, un bon baiser de votre ami

Il découvre pour la première fois la photo d’Yette

***

le 20 décembre 1915

Chère petite amie

Décidément il me faudra vous écrire tous les jours car je vois que le manque de nouvelles vous rend triste ; il est vrai qu’il en est de même pour moi, et dès l’instant que le mauvais temps se met de la partie cela suffit à me donner le cafard.
Pour votre grâce soyez tranquille elle est acceptée et ci joint vous trouverez une petite photo elle est peut être pas très nette mais vous savez ici il faut être indulgent avec les photographes. Et puis, j’y songe je n’ai pas non plus l’air très gai enfin espérons qu’un jour viendra ou nous pourrons nous voir sous des visages plus radieux.
Ce qui m’étonne c’est que maman trouve mes lettres tristes d’autant plus que je fais mon possible pour les rendre gaies.



- 12 -


Vraiment vous avez tort, du moment que je vous ai assuré que vous me paraissiez gentille. Enfin je vais vous rassurer encore une fois.
Non seulement vous me plaisez beaucoup, et il ne tient qu’à vous pour que nous soyons non pas simples amis mais beaucoup plus, comment dirais-je fiancés presque cela quoi ! Donc ma petite Yette (oh !) je ne peux mieux vous dire. Et si je vous écris cela ce n’est pas par un coup de tête c’est parce qu’en plus de votre personne, il me semble et j’en suis presque certain, que vu votre caractère nous puissions facilement nous entendre.
Maintenant je reconnais aussi que pour être complètement précis à ce sujet il sera peut-être nécessaire que nous nous voyons car vous savez c’est presque une grande décision et il y a bien quelques petites questions que nous aurons à préciser mais la plupart ne tiendront que de nous afin d’être résolues.
Sur ce j’arrête mon bavardage car je crois que c’est moi qui deviens bavard.
Je vous envoie donc un bon baiser.

Votre grand ami mitrailleur.

Au fait je ne suis pas précisément fantassin je suis mitrailleur.

***


le 23 décembre 1915

Ma gentille petite amie

Aujourd’hui rien de vous mais je sais bien que ce n’est pas de votre faute et bien de celle de la poste.
Ici rien de nouveau. Aujourd’hui j’ai écris par anticipation mes lettres du jour de l’an, à par celles des personnes qui me sont chères (vous en êtes d’ailleurs) car à ces derniers j’écris tous les jours et je n’écrirai qu’au dernier moment.
Enfin j’ai tout de même fait 24 lettres vous voyez d’ici quel boulot. J’en suis presque abruti. Il y a de quoi d’ailleurs.
Aussi je vais terminer rapidement afin d’aller me reposer.

Un bon gros baiser.





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J’ai bien reçu vos longues lettres des 23 et24 ainsi que la carte du 25 merci pour les fleurs.
Alors vous avez un frère qui est évacué tant mieux pour lui s’il n’est pas trop malade car les tranchées sont pleines d’eau.
Je vous envoie par cette lettre mes meilleurs voeux pour 1916 avec beaucoup de bons baisers.
Il est dans les tranchées, ses lettres sont désormais écrites au crayon et non à la plume.

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le 30 décembre 1915

Ma chère petite Yette
Reçu hier votre lettre du 21 et votre carte du 26 vous voyez le service Postal fonctionne réellement bien. Vos petits amours sont réellement gentils, mais les pauvres petits êtres sont réellement mal placés avec moi surtout aujourd’hui nous avons un terrible bombardement et ils ne doivent pas être rassurés mais comme moi ça me laisse plutôt froid je les console.
Je suis actuellement dans ma « cagnât » c'est-à-dire dans ma villa souterraine et là non seulement je me moque des obus mais je vous écris cette lettre.
Hier en me rendant aux tranchées de 1ère ligne je suis tombé dans un trou d’obus et je me suis trempé jusqu’à la ceinture. Vous parlez d’un sale bain ça ne vaut pas le bout de la mer !
Je vais terminer rapidement car j’ai encore 2 lettres à faire et la nuit vient vite.

Un bon gros baiser de

Première fois qu’il parle des combats. Il dit être dans un souterrain mais il écourte sa lettre en parlant de la nuit qui tombe.."







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le 5 janvier 1916
Ma chère Yette
Bien reçu hier votre lettre du 30
Contrairement à vos souhaits je suis resté en 1ère ligne pour le 1er janvier à minuit (11h15 heure Française), j’étais de garde au créneau.
Messieurs les Boches ont alors tiré une centaine de coups de fusil, auxquels nous avons répondu et le reste de la nuit c’est écoulé tranquillement.
A minuit (heure Française) j’ai pensé à vous ainsi qu’à tous ceux qui me sont chers et je vous ai envoyé à tous un bon baiser.
Dans la journée les Boches nous ont bombardé et il y a eu des tués et des blessés un petit éclat est venu tomber à coté de moi mais il n’a pas osé me toucher le rossard j’aurai été évacué !
A part cela il n’y a pas eu d’autre fête.
Je ne suis pas encore au repos et j’attends toujours afin de me débarbouiller.
Sur ce à demain ma petite Yette et bons baisers.
Il parle de premiers tués et combats.

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le 6 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Reçu ce soir vos lettres du 31/12 et du 3/1 c’est régulier n’est-ce pas ! Alors vous avez passé tristement vos fêtes du nouvel an ! Pauvre Yette je comprends cela, mais tout cela se rattrapera vous verrez et alors !… Alors votre trousseau commence à se faire vous serez en avance sur moi mais au fait est-ce que les jeunes gens ont un trousseau ?
C’est une chose dont je ne me suis jamais soucié. Oh et puis on verra bien c’est secondaire ces trucs là ! Merci pour vos fleurs elles étaient belles, mais c’est la mode retourne c’est vous qui m’offrez des fleurs, sacrée guerre elle en fait des choses.












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tous il vous photographiera tous et alors c’est moi cette fois qui réclamera une épreuve. Surtout il ne faudra plus avoir de figure triste !
Qu’est-ce que je vais encore vous raconter. Ah oui ! Mes parents m’ont envoyé une pipe et je l’ai baptisé devinez comment ? Yette. J’ai fait cela parce que comme je pense beaucoup je pense que plus souvent à vous et puis dessus il y a inscrit « Ma compagne » alors comme j’espère qu’un jour viendra ou Yette sera ma petite compagne, en attendant je donne son nom à l’objet qui m’est assez « cher » car vous savez, alors que dans le civil je ne fume guère, ici je fume beaucoup plutôt par distraction.
Avant de terminer, je tiens à vous demander des nouvelles de votre frère, car vous m’aviez dit qu’il était malade, je souhaite qu’il aille un peu mieux, mais pas trop afin qu’il reste un peu plus longtemps à l’hôpital.
Sur ce je termine mon bavardage en vous envoyant tous mes meilleurs baisers.

"Une lettre un peu confuse mais une grande déclaration d’amour."

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le 8 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Reçu ce soir votre lettre du 5. Alors vous avez embrassé deux fois mon père oh ! Vous pouvez être tranquille je ne dirai rien au contraire j’en suis heureux, et je suis certain que mon père est de même car enfin ça lui fait penser à moi.
Pour l’aventure du Boche je ne vous l’avais pas racontée en effet mais vous avez deviné le peu de temps dont je dispose par moment ne me l’a pas permis. Enfin lorsque j’irai en permission je vous raconterais cela, à vrai dire j’en doute car nous aurons bien d’autres choses à nous raconter.
Aujourd’hui je ne vais pas écrire plus longuement car j’ai encore beaucoup de lettres à écrire.
Donc à demain.
Recevez ma chère petite Yette les meilleurs baisers de votre grand.


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le 12 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Aujourd’hui pas de nouvelles de vous ainsi qu’hier enfin c’est du au service postal sans aucun doute.
Je suis toujours en ligne et je commence à être fatigué enfin « C’est pour la France ». cette nuit et aujourd’hui il fait un bien mauvais temps, il tombe de la neige et de l’eau, aussi nous faisons un feu avec de la braise afin de nous sécher un peu.
Vivement la permission et surtout la fin de la guerre. A ce dernier sujet je crois que ce sera au moins pour le mois de juin, mais je peux me tromper ! S’il en était ainsi on pourrait passer un bon 14 juillet. J’attends avec impatience le retour de mon copain qui ne va pas tarder, je crois nous pourrons parler de beaucoup de choses.
En attendant, je vous envoie de bons gros baisers

"La météo de ces jours"

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le 14 janvier 1916
Ma chère petite Yette
Reçu votre lettre du 10. Alors il ne faut pas m’en faire pour le trousseau, c’est entendu, je ne m’en ferai pas.
Je vois que les visites ne vous vont guère c’est comme moi en général. Je m’y ennuie à dormir. Quand à nous aimer que mieux par suite de l’attente de la permission c’est également mon avis aussi attendons…
Savez- vous que vous faites rire avec vos réflexions. En parlant de rire, j’ai vu pendant quelques minutes mon copain qui est revenu de permission, j’espère le voir encore ce soir car il nous monte à manger le soir.
J’ai également vu la lettre signée de beaucoup de Bernois elle et ou vous m’envoyez des bons baisers.
A mon tour je vous dis à demain et vous envoie de meilleurs.

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Oh mais en parlant de cinéma, il faut que je vous dise qu’avant j’aimais beaucoup cette attraction ainsi que le concert, et vous ? Par exemple, il y a une chose qui ne me va guère, c’est la danse, si vous aimez cela je vous plains car il faudra me donner des leçons avant que je vous fasse danser. Ah puis j’y songe nous aurons le temps de parler de cela ! Beaucoup de bons baisers. "Il parle de sa solde et de ses goûts pour les distractions"

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Dos de la carte






Léon et Loulette


le 18 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Reçu vos lettres des 12-13-14 et 15. Alors vous avez fait la connaissance de Léon Dicidérieux. Il n’y a que la mienne que vous ne faites pas, enfin patience.
Je suis heureux que vous me serriez dans vos bras par la pensée espérons que plus tard ce sera mieux. Quant à avoir grandi c’est faux mon copain a reçu un savon pour lui apprendre à dire la vérité.
Toujours en ligne, mais aujourd’hui j’ai pu me laver vous pensez depuis 1915 il était temps.
Mais ma barbe pousse toujours, aussi je la ferai raser qu’en allant en permission.




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Alors tant mieux pour la danse nous serons d’accord. Vous me parlez beaucoup des histoires que Georges m’a racontés. Je vous assure qu’à part votre entrevue il ne m’a rien dit d’autre. Sur cette entrevue vous ne l’avez conté Loulette aussi, lui aussi donc je n’insiste pas.
Quand à son impression sur vous il ne m’en a pas donné disant que cette chose ne pouvait être jugée que par moi.
Alors vous voyez j’attends pour juger. Je vais arrêter afin d’aller faire un petit tour dans le pays qui est habité ça semble bon depuis 1 mois que je n’avais pas vu de civils.

Un millier de gros baisers.

"Il parle des douches et du retour à l’arrière.

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le 24 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Alors quoi ma petite Yette vous êtes malade, j’ose espérer que ce n’est pas grave et que je serai bientôt tout à fait rassuré à ce sujet. Et bien ! Il ne manquerai plus que cela que vous soyez malade, pour le coup ça me collerait le cafard.
Aujourd’hui je n’ai pas grand-chose à vous raconter c’est Dimanche et j’ai lavé du linge toute la journée, ce qui n’est pas précisément pour moi une agréable occupation. J’ai reçu hier un revus Espérantiste où on nous annonce que l’on a retrouvé ma trace. Les pauvres gens ils me croyaient disparu. Car vous savez, je suis un partisan de la langue Espéranto et je fréquentais les milieux Espérantistes en temps de paix. Au fait cela ne vous intéresse peut être pas beaucoup. Mais il faut bien que vous me connaissiez un peu.
J’avais encore beaucoup d’autres « lubies » ainsi j’ai connu et approuvé des suffragettes.
Qu’en pensez-vous ? Et puis… oh puis.
Au fait, j’arrête ma lettre deviendrai un véritable programme politique !
Donc écrivez- moi vite au sujet de votre santé.



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Je ne me suis jamais fait l’idée que lorsque je vous verrai j’apercevrai une géante, donc je n’ai pas de désillusion à avoir.
Aussi, je vous le répète tranquillisez-vous une fois pour toutes à ce sujet, n’en parlons plus même.
Et puis, je remarque dans votre lettre que vous m’envoyez simplement vos amitiés en ajoutant votre petite amie.
Ca alors c’est grave. Aussi pour vous punir, j’arrête ma lettre en ne vous envoyant que 999 baisers au lieu de 1000.
Et j’ajoute
Votre grand fou de fiancé.

"Il est remonté en ligne et rassure Yette sur sa taille."

***

le 26 janvier 1916 23h30.
Ma chère petite Yette désolée
Alors vos mauvaises idées noires sont-elles passées ? J’espère que oui et que vos avez repris votre habituel sourire.
Aujourd’hui je n’ai pas eu de lettre, mais j’espère en avoir demain matin.
Je vous écris de dans mon abri souterrain là au moins je me moque des Boches et de leurs obus. Et puis j’ai de la société, des énormes rats qui se baladent jusque dans les jambes…Et vos yeux comment vont- ils, ? J’espère que le médecin vous a rassuré à ce sujet.
Moi j’irai encore mieux lorsque j’aurai une lettre gaie de ma petite Yette.
Je vais terminer afin d’aller me coucher car malgré la proximité des Boches je dors quand même.
Donc à demain Bonne nuit et beaucoup de bons baisers.

"Il parle des abris des tranchées"









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très irréguliers. Enfin, dans 1 mois ça approchera. Et vous savez ! Mais ça va aller vite.
Sur ce je vous dis à demain et vous envoie mes meilleurs baisers.

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Le 31 janvier 1916

Ma chère petite Yette

Reçu ce matin vos lettres des 26-27 et 28, ainsi que la gentille et amusante carte.
A ce sujet, je doute fort qu’il n’y ait que la petite fille de la carte qui demande un vrai soldat, ai-je raison de douter ?…
Alors, je vois que je n’ai pas de bile à me faire au sujet de vos yeux tant mieux ! J’ai trouvé vos devinettes très amusantes et me suis empressé de las transmettre à mes copains, ça passe le temps.
Tranquillisez-vous pour le peu de repos que nous avons, car c’est compensé par la tranquillité du secteur. Il est même préférable que ça reste ainsi.
Quant à vos histoires, elles n’ont fait bien rire. Aussi, il faudra m’en réserver quelques unes afin de me les raconter lorsque je serai en permission. A moins et c’est plutôt probable que nous ayons des choses plus sincères à nous raconter.
En attendant cet heureux jour, je vais arrêter mon bavardage jusqu’à demain.
Je vous envoie beaucoup de gros baisers.
PS : Dernière heure – j’apprends la visite des Zeppelins quels bandits - ------- Boches !…
"Il parle des Zeppelins"













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Alors vous avez été sans nouvelles pendant plusieurs jours c’est très grave en effet et ça dépend uniquement de la poste croyez moi.
Merci de votre carte comme les précédentes elle est très amusante.
Quand donc pourrons-nous, nous promener ainsi ? Bientôt il faut l’espérer.
Il est question que nous ayons un grand repos d’ici peu, tant mieux ça fera du bien.
Pour ce soir je vais arrêter car l’heure du bombardement approche et donc il faut rentrer dans nos trous et se faire tout petit. Donc à demain.
Bons gros baisers.

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le 6 février 1916

Ma chère petite Yette

J’espère que cette fois les Zeppelins vont vous laisser tranquille et ne vont plus troubler vos rêves. Alors vous avez une photo de moi tirée à Carpentras, je ne vo us cache pas que c’était le bon temps à ce moment là.
Comme vous le dites, le voici ce fameux mois de février, espérons qu’il ne se terminera pas sans que j’aille en permission. Néanmoins il ne faut pas trop se réjouir car il y aura peut-être un tout petit retard à cause du beau temps. Ca parait drôle mais c’est pourtant vrai. Alors vous avez peur maintenant que nous nous trouvions en présence se sera pourtant simple il ne dépendra que de nous afin d’être plus à l’aise. Mais en fait pourquoi se tracasser à l’avance.
Quant à vos yeux j’espère que vous êtes maintenant fixée à ce sujet… Je viens de recevoir votre lettre du 4. donc vous allez porter des lunettes pour travailler, espérons que ça n’ira pas plus loin en tous cas soignez-vous bien car les yeux ce n’est pas rigolo.
Néanmoins il ne faut pas vous faire de bile pour cela ça ne servirait à rien et puis ça se guérira certainement.
Donc à demain.

Beaucoup de gros baisers.







- 32 -


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le 11 février 1916

Ma chère petite Yette

Bien reçu votre lettre du 7. Alors vous vous êtes bien amusé dimanche dernier, tant mieux. En effet j’étais lion de supposer que j’aurais une place de réservée à la collatros, mais qui auraient été les plus surpris si j’étais arrivé ? Vous probablement.
Quant au parrain de Loulette c’est en effet un « type rigolo » et je vous assure que nous avons passé de bons moments avec lui.
Merci du baiser envoyé pour m’encourager, je vous le rendrai plus tard, je l’espère.
En attendant, je vous en envoie des gros de loin.

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le 15 février 1916

Ma chère petite Yette

Voici déjà 3 longs jours que je ne vous ai pas écris. Soyez certaine que ce n’a pas été de ma faute nous avons subit un violent bombardement de 3 jours et pour ma part, j’étais assez démoralisé. Enfin c’est passé et je me sens rétabli. Mais vous savez c’était un sale moment à passer.
Maintenant parlons de choses plus sérieuses !
Il est bien entendu que plus tard, même si nous renversons les rôles, je vous laisserai le soin de faire la cuisine. Merci de votre dernière petite histoire, quoique un peu macabre elle est « rigolote ».
Quant au temps qu’il fait ici, il est déplorable de l’eau et toujours de l’eau, il y en a par endroit jusqu’à la ceinture, aussi ce n’est pas le rêve. C’est pourquoi ainsi que vous me le demandez, je préfèrerais qu’il fasse un temps plus gai lorsque j’irai en permission.





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Enfin vivement la permission que je rattrape de tout cela. Quant au grand repos c’était encore un « bateau » et il a disparu avec l’eau. Enfin nous allons y aller demain soir pour 4 jours, ce sera déjà quelque chose.
Sur ce je vous dis à demain et vous envoie beaucoup de gros baisers.

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le 18 février 1916 à 7h du soir

Ma chère petite Yette

Deux mots avant de partir au repos, en effet je suis en pleins préparatifs, car nous déménageons à minuit.

La santé est assez bonne à part un petit rhumatisme qui m’a presque empêché de marcher de la journée. Vous voyez déjà à mon age j’ai des douleurs, aussi vous n’avez pas fini d’en voir plus tard avec tous ces restes de campagnes. Je vous plains d’avance puisqu’il parait que ça rend grognon. Enfin nous parlerons de cela pendant la permission.

Je vous embrasse beaucoup de fois.

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le 21 février 1916

Ma chère petite Yette

Me voici au repos! Aussi mon premier courage a été de vider mes poches afin de retrouver toutes les lettres que j’avais reçu pendant mon séjour aux tranchées et j’en ai trouvé beaucoup de vous auxquelles je n’avais pas répondu. Alors j’exécute.
En général, je constate que le service postal fonctionne très mal, pour vous, il en est de même pour moi et c’est très ennuyeux. Alors le parrain de Loulette vous a trouvé très bien, je le savais, alors vous voyez que tout le monde n’est pas de l’avis de mon copain Georges. Quant à ma nouvelle pipe je l’ai baptisé comme la première, c'est-àdire Yette. Mais ce que je ne vous souhaite pas, c’est qu’ainsi que vous le demandiez vous soyez à sa place.

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En attendant, je vous envoie beaucoup de gros baisers.

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le 23 février 1916

Ma chère petite Yette

Bien reçu votre lettre du 19. Enfin vous avez eu de mes nouvelles, je comprends que vous ayez pu être heureuse. Quant au bombardement il continue un peu moins fortement il est vrai.
Enfin vivement la permission, à ce sujet j’ai été prévenu que j’aurai le n°12 alors vous voyez ça progresse. Je crois que je peux fixer la première quinzaine de mars, ce qui ne va pas tarder à arriver, je crois. J’ai quitté le pays où nous étions au repos hier soir et nous voici de nouveau en face de messieurs les Boches.
La santé est toujours bonne et c’est le principal, j’espère qu’il en est de même pour vous.
Je vais terminer afin d’aller monter la garde pendant 2 heures.
Je vous envoie beaucoup de caresses et de bons baisers.

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le 24 février 1916

Ma chère petite Yette

Hier je n’ai rien reçu de vous mais j’attends des nouvelles ce soir.
Mon secteur devient plus calme, mais je ne crois pas que cela dure.
Quant à la santé, elle est bonne pour aujourd’hui. Il tombe toujours de la neige et il commence à en avoir une bonne couche. Aussi lorsque nous avons un peu de temps nous l’occupons à nous battre avec des boules de neige, ça distrait.
Et puis, je chasse les rats et hier soir, j’en ai tué trois gros, c’est impossible à se figurer ce qu’il y en a de ces sales animaux.

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le 26 février 1916

Chère petite Yette

Deux mots avant de monter en 1ère ligne.
Santé bonne.
Permissions suspendues, c’était à prévoir !
A demain, bons baisers.

"Lettre écrite sur une « Carte-Lettre "

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le 28 février 1916

Ma chère petite Yette

Deux mots à la hâte.
Santé bonne.
Nous sommes assez occupés.
Maintenant je reçois régulièrement vos lettres.
Bons baisers.

"Lettre écrite sur une « Carte-Lettre »"

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le 29 février 1916

Ma chère petite Yette

Deux mots pour vous tenir au courant de la santé qui est d’ailleurs bonne.
Le temps est assez bien et le secteur assez calme, donc tout va pour le mieux.
Demain j’essaierai de vous écrire une lettre.
En attendant, je vous envoie de bons et gros baisers.

"Lettre écrite sur une « Carte-Lettre »

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Le temps est assez beau depuis 2 jours et la boue est un peu disparue ce qui n’est pas un mal.
Sur ce rien d’autre chose à signaler.
Je vous envoie de gros baisers.

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le 5 mars 1916

Ma chère petite Yette

Reçu hier vos lettres des 1 et 2. Je vois que vous avez supportée la nouvelle des permissions supprimées, ne vous ont pas trop donné le « cafard » heureusement d’ailleurs, car ça ne vaut pas la peine, il n’y a qu’à attendre.
Très forte la devinette du maître d’arme de….
Alors votre mère va mieux tant mieux. Quant à Loulette, je crois qu’il en est de même.
Aujourd’hui au mieux cette nuit nous changerons d’endroit pour aller dans un coin un peu moins tranquille, mais pas terrible cependant.
Aussi, il faut faire les préparatifs. Donc je vous dis à demain et vous envoie de bons baisers.

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le 7 mars 1916

Ma chère petite Yette

Reçu vos lettres des 3 et 4 elles arrivent assez bien maintenant. Alors votre mère est rétablie tant mieux car sa maladie est, je le sais, assez douloureuse.
Quant aux Boches ils deviennent assez gentils néanmoins à l’instant ou je vous écris (en face d’un superbe coucher de soleil) ne voilà t’il pas qu’ils se mettent à envoyer des obus mais ce n’est pas grave, ils ne font que siffler au dessus de moi et vont éclater plus loin.



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Reçu ce soir votre lettre du 8.Alors vous attendez le courrier avec impatience, j’avoue qu’il en est de même pour moi et lorsque par hasard il n’y a pas une de vos lettres, je sens qu’il me manque quelque chose. Vous voyez qu’en effet nous commençons à être bien habitués l’un comme l’autre à correspondre et que certainement cela nous semblerait plus que drôle s’il fallait cesser cette correspondance. Quant à votre première elle est effet très curieuse, mais qu’elle attende plus tard elle pourra être au courant sans mal.
Alors il fait bien froid à Paris décidément ça ne m’encourage pas à y aller ! Et puis la ville m’effraie moi pauvre campagnard, enfin je compte sur vous pour me guider et me protéger des voitures, au besoin, on se donnera la main.
A part cela ça approche et j’espère partir avant le 1er avril si les permissions reprennent dans quelques jours comme il paraîtrait.
Vous parlez d’un beau poisson d’avril.
Allons voilà que je me prends pour un poisson ce doit être les obus qui sont la cause de cela.
Aussi je vais m’arrêter non sans vous envoyer beaucoup de gros baisers.

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Le 12 mars 1916

Ma chère petite Yette

Deux mots car j’ai beaucoup de travail. La santé est toujours bonne quant au temps, il est superbe depuis 2 jours, c’est à souhaiter que cela continu.
Il y a un an j’entrais à l’hôpital et pour longtemps encore.
Mais cette année comme la santé est bonne l’hôpital est inutile.
Alors vous êtes heureuse d’avoir une de mes cartes de visite, tant mieux c’est pourtant peu de chose.
Donc je vais arrêter faute de temps.
A demain et bons baisers.

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Le 17 mars 1916

Ma chère petite Yette

Hier rien de vous mais j’attends ce soir avec impatience.
Le beau temps continue et c’est dehors sous un beau soleil que je vous écris. Ce serait vraiment la bonne vie si les obus ne sifflaient continuellement sur nos têtes, enfin le principal c’est qu’ils atterrissent plus loin.
Ce matin j’ai cherché une fleur quelconque qui aurait pu pousser sur nos tranchées mais rien enfin dans quelques temps je tacherais de vous en envoyer.
Aujourd’hui c’est vraiment drôle je ne sais quoi écrire. Et pourtant ce temps devrait inspirer les sentiments poétiques. Il est vrai que je n’ai rien du poète.
Enfin vivement les permissions cela me ramènera un peu à la vie civilisée et m’éclaircira un peu de cerveau.
Sur ce à demain.

Je vous envoie de bons baisers.

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Le 18 mars 1916

Ma chère petite Yette

Reçu hier soir votre lettre du 14. alors vous avez du beau temps à Paris. Et bien ici c’est pareil et cette fois la boue disparaît, aussi je suis heureux car je commence à être plus propre.
Quant aux permissions elles sont toujours suspendues, aussi c’est fini, je n’en parle plus.
Quant à votre recette elle doit être excellente, mais je la crois trop compliquée pour mes faibles capacités culinaires.
Néanmoins les jeux de mots sont bien trouvés.





- 46 -


Recevez des gros baisers.

E BOISSIERE, 167ème Inf – mitrailleur 255ème Bde
Hôpital 14
St Nicolas du Port
(Meurthe et Moselle)
"On trouvent ses coordonnées, mais rien de plus sur la raison de son hospitalisation."

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Le 21 mars 1916

Ma chère petite Yette

Aujourd’hui je vais vous écrire un peu plus longuement. D’abord un hasard à vous signaler ou plutôt une coïncidence. Le soir ou j’ai été évacué de REILLON, je recevais précisément votre lettre du 17 où vous me racontez que l’année dernière j’étais à l’hôpital, qu’il valait mieux que cette année je sois bien portant etc…ors je n’étais du tout de votre avis à ce sujet, voilà ! Pour une fois nous n’étions pas d’accord enfin nous discuterons cela plus tard, surtout si j’ai une convalescence.
Pour l’instant voilà où j’en suis.
J’ai été évacué des tranchées puis un peu en arrière j’ai passé une autre visite à une ambulance, de là j’ai filé jusqu’à LUNEVILLE, nouvelle visite, j’y ai passé la nuit et la matinée le lendema in, ensuite je suis arrivé à l’hôpital où je suis actuellement. Je vais y rester encore 1 jour ou 2 et de là je file sur la Haute Saône où je passerais encore une visite et d’où j’irai probablement beaucoup plus loin.
La santé n’est pas trop mauvaise en tous cas elle n’est pas inquiétante.
Sur ce je vous dis à demain et vous envoie beaucoup de bons baisers.
Dès que vous aurez reçu cette lettre ne m’écrivez plus à St Nicolas car j’en serai partie !









































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La santé est toujours pareille la bronchite cependant disparaît assez rapidement seule l’albumine persiste. Hier on m’a fait 24 incisions dans les reins vous parlez d’une sale affaire. Je m’exprime mal en disant les reins, c’est dans le dos à l’emplacement des reins.
De ce fait je vais voyager sur un brancard c’est moins agréable qu’assis, enfin il n’y a qu’à patienter.
Et puis vivement que j’ai des lettres car le manque de nouvelles ma fait sembler le temps assez long.
Je ne vais pas écrire longuement car étant assis les incisions s’ouvrent et cela produit des désagréables picotements.

Je vous envoie de bons baisers.

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Le 25 mars 1916

Ma chère petite Yette

Cette fois je ne crois plus rester encore longtemps à St Nicolas, car le médecin a dit ce matin qu’il y aurait un train demain soir.
Comme nous n’arriverons à l’hôpital d’évacuation de Gray (Haute Saône) que le lendemain matin. Je suis content de voyager couché car au moins je pourrai dormir et me reposer convenablement.
La santé va en s’améliorant, d’abord la fièvre est entièrement disparue puis la bronchite diminue assez rapidement. Il ne reste que l’albumine qui elle est assez forte enfin ce n’est pas grave.
Et vous comment allez-vous ? J’ai bien reçu hier une lettre de Loulette qui n’a mit qu’un jour pour venir, c’est un beau record cala.
Mais je reviens à ma question. J’espère que pour l’instant vous êtres en bonne santé, et vos yeux ? Etes vous habituée à porter des lunettes ? Voilà des petites questions qui me reviennent à l’idée.
Il faut d’ailleurs que je vous prévienne que je commence à redevenir civilisé, alors mes lettres vous sembleront certainement moins sauvages, d’abord parce que j’ai l’esprit plus reposé, et puis j’ai plus de temps enfin parce qu’il me semble que je vais revenir dans mon état de paix.




- 50 -


Pour le moment la santé reste pareille c’est à dire pas trop mauvaise. J’espère que la votre est bonne. Il me tarde d’autant plus d’être installé de façon que j’ai toutes mes affaires, qu’alors je pourrai écrire tranquillement, alors qu’ici je suis assez dérangé. Je vous dis donc à demain et vous envoie de bons baisers.

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St Nicolas Le 28 mars 1916

Ma chère petite Yette

Toujours à St Nicolas, c’est désespérant, néanmoins je ne me désespère pas trop. J’attends et voilà tout.
On parle d’un train qui aurait lieu jeudi soir ce qui ne ferait plus que 2 jours à attendre. La santé s’améliore assez rapidement, la bronchite est entièrement disparue. Je dis entièrement ce n’est peut-être pas tout à fait le mot mais presque. Quant à la permission je crois que cette fois nous avons le temps d’en parler.
Quoi de nouveau à Paris ? Parle t-on encore de la guerre ? Un peu n’est ce pas, il est vrai qu’il serait préférable que l’on parle de la paix.
Je commence à lire les journaux depuis quelques temps et j’ai pu constater qu’ils étaient toujours de grands monteurs de bateaux.
A part ces petites réflexions peu intéressantes d’ailleurs, je n’ai pas de nouvelles à vous communiquer car je reste continuellement entre mes 4 murs.
Aussi, je vous dis à demain et vous envoie de bons baisers.

"Il parle des journaux qui mentent"








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Quant à la vie elle est assez monotone ici.
Espérant avoir une lettre demain je vous envoie de bons baisers.

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Dôle Le 4 avril 1916

Ma chère petite Yette

Je n’ai encore rien reçu de vous aujourd’hui mais j’espère bien avoir une lettre demain matin.
Je vais vous annoncer une grande nouvelle, c’est ma prochaine arrivée à Paris pour un temps que j’ignore d’ailleurs.
En effet quoique non guéri complètement, je quitte l’hôpital jeudi matin et de là vais au dépôt de convalescent où l’on me donnera soit une permission de 7 jours soit une convalescence d’un mois par exemple.
La santé est meilleure, et vous comment allez-vous ? Bien je l’espère, il y a déjà longtemps que je n’ai eu de vos nouvelles.
Ici la vie est assez agréable mais il y a trop de cuirs et de soins et c’est pour cela que je ne regretterais pas Dôle.
Donc vivement de vos nouvelles.
Beaucoup de gros baisers.

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Dôle Le 5 avril 1916 à 10h

Ma chère petite Yette

J’ai reçu hier soir votre petit journal. En effet, les derniers jours que j’ai passé à Saint Nicolas m’ont semblé longs, mais s’il m’avait fallu rester longtemps ici, je crois que les journées m’auraient semblé plus longues encore.
Je n’ai pas encore reçu les lettres qui sont parvenues à St Nicolas après mon départ, mais je vais écrire afin qu’on me les envoie.
Je constate qu’à Paris il fait un temps superbe tout comme ici.
Cependant, depuis hier, quelques nuages ont obscurci le ciel et il est même tombé un peu d’eau cette nuit.

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Le 22 avril 1916

Ma chère petite Yette

Deux mots seulement pour vous dire que je suis bien arrivé malgré un temps affreux.
Ce fut assez dur de quitter Paris ou mieux de m’éloigner de vous et de mes parents mais il le faut !
Dès que je serai installé je vous écrirai plus longuement.
Bien le bonjour à votre mère.

Un bon baiser.

167ème d’Infie 32ème compagnie 2ème secteur (Saône et Loire) Paray le Monial












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Paray, le 24 avril 1916

Ma chère petite Yette

Encore pas de nouvelles, mais j’espère en avoir après demain alors ce sera chic !
Depuis hier il fait un temps superbe, il fait plutôt chaud aussi quel dommage que vous ne puissiez être là, quelles belles promenades nous pourrions faire car vous savez la campagne est superbe ici. Ce matin, j’ai passé une visite et je suis au repos pour 8 jours, à ce moment je repasserai une autre visite et cela peut continuer assez longtemps parait- il.
Et puis peut-être que d’ici peu j’irai en permission alors se sera épatant.
Je vous envoie quelques fleurs de Paray. Les bords de routes en sont couverts c’est un pays de fleurs.
Dans l’attente d’avoir bientôt de vos nouvelles, je vous envoie un gros, gros baisers.

"Il a écrit deux lettres le 26 avril 1916"

Paray, le 26 avril 1916

J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer, je vais probablement retourner en permission de 4 jours. Ce sera tout simplement merveilleux. Je m’habitue bien à la vie de Paray, j’ai pour chambre une ancienne étable à porcs cela paraît drôle, mais bien nettoyée c’est encore préférable à coucher dehors.
Il fait un temps superbe, je me doutais bien que dès l’instant ou une permission serait finie le beau temps apparaîtrait.
J’ai eu aujourd’hui de vos nouvelles ainsi que de mes parents, alors je suis heureux.
La santé est assez bonne si ce n’est la néphrite qui paraît revenir un peu, c’est d’ailleurs à prévoir, vu la nourriture du régiment. J’espère que vous allez toujours bien ainsi que votre mère et votre soeur.
Je vous prie de leur souhaiter bien le bonjour de ma part.
Je vous embrasse bien fort.
Ma chère petite Yette


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Maintenant quelques détails sur ma nouvelle vie.
Je suis dans une ferme inhabitée et j’ai l’honneur de coucher dans l’ancienne étable aux porcs c’est riche cela, enfin le principal c’est que Nous l’avons nettoyée et aménagée et m’y trouve bien.
Le matin réveil à 5 heures, café, et exercice, déjeuner à 10h30 exercice de 1h à 4h30 et dîner à 5 heures. Ensuite nous sommes libres jusqu’à 8h30 de préférence je sors dans la campagne et souvent seul me balade en rêvant comme un poète quoi, dans une autre lettre je vous expliquerai mes rêves, vous verrez comme ils sont beaux.
Pour aujourd’hui je termine en vous envoyant beaucoup de gros baisers tout ce qu’il a de bon.
Votre fiancé qui vous aime bien.

Eugène
Bonjour aux demoiselles Hamelis.

"Il l’appelle enfin « chérie »."

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Paray, le 27 avril 1916

Ma pauvre petite Yette chérie

Alors vous êtes malade, vous me dites avoir un rhume et Loulette me dit sur une autre lettre, « un gros rhume », c’est terrible cela j’espère néanmoins que cela va guérir rapidement.

Et puis une nouvelle qui va déjà commencé à vous guérir. Je suis inscrit comme permissionnaire et à moins de contre ordre, je vais partir mercredi prochain pour 4 jours encore 4 jours ou nous pourrons être ensemble.
Ce qui m’étonne c’est que mardi matin vous n’ayez pas eu de lettre mais j’espère que vous ne m’en voulez pas d’autant plus que j’avais écrit à la maison Dreyfus c’est un retard de la poste.
Le temps est toujours superbe, je continue à faire mes petites promenades le soir, et hier soir étant seul j’ai fait une excursion assez longue dans la campagne. Cependant je n’étais pas tout à fait seul car j’avais ma petite Yette avec moi. Je m’imaginais la guerre terminée et naturellement j’en été revenu alors…

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Il y a une chose de désagréable ici c’est la nourriture nous sommes très mal nourris, il y a une grande différence avec la nourriture du front. Enfin heureusement qu’il y a des restaurants en ville. Dans unes de vos précédentes lettres, vous me disiez que notre correspondance, après nous être vu permettrait de mieux nous connaître, et bien c’est tout à fait mon idée, aussi à partir d’aujourd’hui je vous parlerai de mon caractère et de mes idées, mais seulement j’y mets une condition, c’est que de votre coté vous fassiez de même et que de plus vous me disiez tout ce qui sera pas de votre goût, cela fera de petites discussions tout à fait amusantes et je suis certain que lorsque par la suite, nous nous reverrons n’ayant plus rien de caché nous serons beaucoup plus libre entre nous. Et puis c’est assez naturel cela entre fiancés est-ce bien votre idée ? Peut-être vous semblerai-je quelquefois ennuyeux avec mes réflexions car je reconnais que bien des fois je cherche trop à approfondir des bagatelles sans importances, mais alors il ne faudra pas vous gêner vous n’aurez qu’à me le dire et je suivrai vos conseils. Peut-être aussi cela vous paraîtra drôle car quoique n’ayant jamais de fiancé je doute que notre façon de correspondre soit ordinaire, mais quesque cela peut bien faire ça ne regarde personne, c’est seulement entre nous n’est-ce pas ? Néanmoins, je réfléchis qu’il vaut mieux que j’ai une réponse de vous à ce sujet avant de commencer donc je vais attendre. Je change de sujet. A moins de contre ordre, je pars en permission mercredi matin. J’arriverai à Paris gare de Lyon à 5h00 du soir, si le train n’a pas de retard, je tacherai d’aller à la maison Dreyfus pour 6 heures sinon j’essaierai de vous voir à la gare St Lazare quai 17. je ne puis encore y croire tout cela me semble épatant et puis-je ne repartirai que le dimanche soir à 9h10 ce qui fait que pour le dimanche après midi vous pourrez comploter un tas de choses avec Loulette, comme de venir à Colombes avec votre mère par exemple, enfin nous verrons. Pour aujourd’hui, je vous quitte ma chère Yette en vous envoyant beaucoup de gros baisers. Il parle de bronzer et devenir « NEGRE », un truc bizarre il préfère la nourriture du front.









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M. E. BOISSIERE
Mitrailleur
167ème Infanterie
30ème compagnie
(S. et L.) Paray le Monial

car je change de compagnie lundi et je recevrai rapidement de vos nouvelles à ma novelle résidence.
Souhaitez le bonjour à Melles Hamelin de ma part.
Et vous ma petite Yette je vous envoie des milliers de gros baisers.
Votre Eugène

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Paray, le 29 avril 1916

Ma chère petite Yette

Me voici désillusionné. En effet je croyais avoir une permission de 4 jours la semaine prochaine et voici qu’après une nouvelle visite passée aujourd’hui je vais changer de compagnie étant apte à partir, ce qui va probablement retarder mon tour de permission. Enfin le principal est que je l’ai quand même.
Et puis, je suis content de changer de compagnie, car à la 32ème, nous étions très mal nourris alors qu’à la 30ème il paraît que ce n’est pas de même. Et puis dans cette dernière compagnie je vais refaire de la mitrailleuse et ce sera plus intéressant que l’exercice que je faisais à la 32ème.
J’espère que vous et votre famille allez toujours bien. Moi je vais bien à part l’albumine qui persiste à ne pas vouloir me quitter.









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Le 8 mai 1916 deux lettres
Paray, le 8 mai 1916

Ma petite Yette chérie.

Ce matin en arrivant j’ai reçu vos lettres des 28-1-2 ainsi que de nombreuses lettres de mes parents et amis.
Et puis arrivé 10h30, heure à laquelle on distribue les lettres du jour naturellement, je n’étais pas présent à la distribution et cependant il y avait une lettre de ma petite Yette. Comme c’est gentil d’avoir pensé que je m’ennuierai en arrivant, si vous saviez comme cette lettre m’a fait plaisir je ne sais comment vous en remercier, tenez, je vous envoie deux gros baisers tellement je suis content.
Quelques mots sur mon voyage. D’abord le départ m’a semblé beaucoup plus dur que l’autre fois et vous aussi ma petite chérie n’estce pas, je l’ai vu.
Néanmoins j’ai pu dormir dans le train aussi le voyage m’a semblé moins long.
Paray m’a semblé triste, tout me semble triste d’ailleurs, je me sens trop loin de vous pour ne pas m’ennuyer.
Mes impressions sur la suite de vendredi ?
Elles sont nombreuses ma petite Yette. D’abord j’estime que ce soir le quoique silencieux nous nous sommes dit beaucoup de choses ma chère petite et des choses qu’on oublie jamais. Notre baiser a prouvé que nous nous sommes compris.
Aussi j’aurais été le plus heureux de tous si un affreux doute n’était apparu. Ce doute vient de la guerre de cette terrible chose qui pourrait tout briser, et c’est surtout depuis que je vous connais que j’entrevois continuellement cela. Mon caractère en a un peu changé, je suis plutôt triste. Mais non je suis fou de vous dire cela, je reviendrai certainement rien que pour vous rendre heureuse, vous voyez alors la belle vie que nous aurons.
Pour aujourd’hui j’arrête ma petite Yette à moi, parce que je sens que ma lettre est triste et que je ne dois pas continuer.

Je vous envoie un gros, gros baiser.