Janvier 1915

Attaque de la Ligne des A et des Z

    De retour du Bois de Remières, les 1er et 2e Bataillons du 167e prennent 15 jours de repos à Manoncourt, constitués en Régiment de réserve d'armée aux côtés du 2e Btn du 168e (Capitaine Eyriès). Les effectifs en hommes et matériel une fois recomplétés, ils sont à nouveau dirigés vers le Bois-le-Prêtre où ils retrouvent un terrain sec et la perspective de se mesurer d'homme à homme.

    Depuis leur départ au mois de novembre, le terrain s'est modifié. L'hiver a effeuillé les arbres, les bombardements ont éclairci les taillis. Les jumelles penvent enfin sonder les organisations ennemies ainsi mises à découvert.

    Trois centres de résistance allemands peuvent être identifiés : les Carrières de Norroy à droite, La croix-des-Carmes à gauche, et la Fontaine du Père Hilarion au centre. Ce dernier, accroché dans un fond de ravin précédé du glacis d'une clairière, "Le Mouchoir" (position élargie le 16 décembre par le 353e RI qui prend possession des lisières est et sud), avait démontré la possibilité pour l'ennemi d'utiliser les accidents du sol les plus invraisemblables. Les attaques de Décembre s'en étaient emparé. Ainsi les positions allemandes de la forêt étaient fortement entamées; l'avancée améliore nos communications avec les cantonnements de l'Arrière. Surtout, l'ennemi a été bousculé, culbuté et la confiance revient dans les rangs français.

    Les Allemands se sont retranchés sur les hauteurs du bois qui leur donne des vues sur toutes nos positions vers Toul. Cette partie, largement mamelonnée est appelée "Quart-en-Réserve, Croix des Carmes". Elle est formidablement organisée en un réseau de tranchées d'où l'on retiendra trois lignes de défenses principales : la Ligne des "A" et des "Z"-les lignes VIII, IX, des "L", des "C".

Le Quart-en-Réserve allemand en Janvier 1915

    Le 3e Btn du 167e, toujours placé au Nord du Parc Bamberger, développe une activité considérable afin de poursuivre la progression en direction des Carrières de Norroy. De nouveaux postes sont créés, d’autres sont agrandis et reliés par des boyaux et des abatis. Les travaux sont durs, les bombardements incessants, l’ennemi pugnace. Plusieurs tentatives de progression sont engagées. Les résultats sont maigres. A la mi-janvier, le bataillon se réparti de la façon suivante : 1 Cie aux Mélèzes, 1 Cie aux ouvrages Z et 1. Une autre compagnie aux postes 2 et 3. Un peloton est placé en renfort à l’ouvrage N du Bois Munier.

    Pour le 168e RI, les journées du 18 et du 17 janvier sont particulièrement pénibles. Ce sont les 1er et 3e Bataillons qui attaquent. Plusieurs tranchées et blockaus sont conquis de haute lutte. A nouveau l'occasion pour le colonel Riberpray de souligner les efforts du 168e : "Au cours de la préparation des attaques du 17 janvier, pendant six semaines de surmenage physique et moral, dû à l'insomnie, aux intempéries d'un hiver pluvieux, à une fusillade sans répit à bout portant, aux éclatements des projectiles variés qui déchiraient constamment l'air, les bataillons Begou (1er) et Chaumont (3e) se sont signalés par une endurance qui n'a jamais été dépassée dans les plus dures campagnes et que, seul a rendu possible le sentiment profond du devoir à accomplir jusqu'à la mort pour sauver la Patrie.".
    Ainsi, l'adjudant-chef Thirion (qui sera tué plus tard comme Sous-lieutenant) charge en tête de sa section en criant : "Cassez leur la gueule Nom de Dieu" ; L'adjudant-chef Meunier qui tombe en abordant un blockhaus allemand en criant "En avant ! En avant mes enfants" ; le sergent Fromentin qui reçoit la Médaille Militaire pour le courage qu'il a déployé dans la prise d'un entonnoir, sous le feu ennemi ; le soldat Chambon qui le 17 janvier a pris à lui seul une tranchée allemande ; le soldat Musillat qui, alors que sa compagnie organise une ligne de retranchements nouvellement conquise, se trouve seul dans un boyau par où l'ennemi débouche en files pour contre-attaquer. Malgré les grenades qui tombent autour de lui, il ne recule pas d'un pouce, fusille pendant plusieurs heures avec des fusils que lui passent ses camarades, tous ceux qui se présentent et dont les corps s'amoncellent devant lui.
    Le 19 Janvier les 3e et 5e Cies du 167e quittent leurs cantonnements de Mamey pour se placer en réserve du 168e d'Infanterie, amènager les positions conquises, et à terme, relever les unités du 168e et du 169e en place dans le secteur d'attaque de gauche. Le 20 Janvier, la 3e Cie est placée en réserve aux Carrières et la 5e Cie prend position en première ligne près de la Croix des Carmes.
A 14 heures, les Allemands exécutent une vigoureuse contre-attaque. Ils reprennent mètre par mètre la ligne des Z. "Z7", "Z8" et "Z9" tombent. Nos positions de gauche sur la ligne des "A", sont néanmoins conservées. Les renforts, partis de Mamey, parviennent sur place trop tardivement pour envisager une contre-attaque. Celle-ci a lieu le lendemain 21 Janvier. Sous le commandement du Lieutenant-Colonel Mayran (168e), encore en charge du secteur d'attaque de gauche, conduit cette action.
    Un bataillon de marche constitué par les 4 Cies du 167e demeurées encore à Mamey, est appelée dans la nuit aux abords des ouvrages "L", avec mission de prononcer une attaque de "Z4", "Z5" et "Z6" sur "Z7", "Z9" et "Z8". A cet effet, trois compagnies sont placéés en première lignes. La 7e Cie du Lieutenant Cornuet se portera sur "Z8", la 2e Cie du Sous-Lieutenant Bruant sur "Z9" et la 1ere Cie du Lieutenant Devernois sur "Z7". Cette dernière partira de l'ouvrage "K" à travers le déboisé de la coupe V et attaquera "Z7" par l'ouest, tandis que les deux autres avanceront par les boyaux de communication et attaqueront leurs objectif de front.
    La 1ere Cie s'élance baïonnette au canon. Par trois fois les hommes du Lieutenant Devernois tentent d'enlever "Z7". Un dernier effort porte l'unité à 10 mètres des tranchées allemandes.     L'ennemi s'est défendu "bec et ongles". Les trois compagnies de première ligne échouent dans leur entreprise. Les pertes sont sérieuses. Le Sous-Lieutenant Bruant est atteint, 33 hommes sont blessés, 129 autres blessés. Une autre tentative est timidement engagée le lendemain. C'est à nouveau l'échec.
    Devant la résistance de l'ennemi, décision est prise de cesser les attaques frontales, pour procéder à une progression à la sape, pour reprendre les positions "Z7", "Z8" et "Z9". Les unités du 168e se retirent et le secteur d'attaque de gauche est confié au 167e. Le sous-secteur de gauche (ligne des A), est occupé par le 1er Btn (deux Compagnies en première ligne, une sur le flanc Est et une dernière, en réserve près de la tranchée de Fey), et le sous-secteur de droite (ligne des "Z"), par le 2e Btn du Capitaine Girard (appuyé à l'Est de la Croix des Carmes au secteur du centre tenu par le 353e du Lieutenant-Colonel Pourel). Le 2e Btn place 3 moitiées de chaque compagnie en première ligne, le reste en 2e ligne ; la 4e Cie est placée en réserve en "K". Deux pelotons du 169e sont joints à ces unités : 1 peloton tient le Gros Chêne (soutenant les pièces de 90 qui s'y trouvent) et 1 peloton aux Carrières (soutenant la section de mitrailleuses et les batteries de la cote 359). Une compagnie du 169e est placée en réserve aux ouvrages "L" et "N" (remplacée le 24 Janvier par une compagnie du 353e).


    Jusqu'à la fin du mois, surveillance et travaux d'organisation seront le quotidien des hommes du 167e.
    Les travaux sont menés pour nettoyer le terrain, rendre les tranchées habitables et les préparer pour d'autres opérations. Les arrières sont organisés très solidement pour parer à l'éventualité d'une offensive ennemie. Le combat individuel reprend toute son intensité. Nos petits postes gagnent chaque jour du terrain vers la ligne nouvelle que l'ennemi prépare.
Les artilleries exercent leur science de destruction sur les infanteries, mais celle de l'ennemi n'ose jamais ce que se permet la nôtre : des tirs de gros calibres à 50 mètres de nos postes. Il a fallu abattre les grands arbres sur la ligne pour éviter les éclatements prématurés. La sécurité des postes, sous nos barrages bien réglés, sera largement exploitée dans les attaques à venir. L'ennemi répond par des tirs de gros Minenwerfer qui sont loin d'avoir la précision nécessaire.
    Placées en des points favorables, des mitrailleuses font du harcèlement sur les pistes de Vilcey, les postes de commandement etc...Des canons de 90 en première ligne crachent à bout portant la mitraille sur les travailleurs aventurés. Les sapeurs préparent les mines, les artilleurs placent des mortiers de tranchées ; jusqu'au fusils de chasse qui sont utilisés dans les combats de boyaux.